Avec l'Ontario, cette semaine, toutes les grandes provinces, ainsi que le fédéral, ont maintenant déposé leur budget. Partout, le même message: priorité à l'élimination des déficits.

Ce qui veut dire qu'au cours des prochaines années, il ne faudra plus compter sur les dépenses publiques pour soutenir l'économie. Le Canada entre dans une période d'austérité fiscale. Tel est le constat que vient de publier le Conference Board du Canada, dans un document qui passe en revue les perspectives économiques des deux prochaines années.

Le Canada a beaucoup mieux traversé la récession que les autres pays industrialisés, et une fois la crise passée, il a connu une reprise beaucoup plus vigoureuse qu'ailleurs: l'an dernier, la croissance réelle de l'économie canadienne a atteint 3,1%, une des plus fortes des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Cette bonne performance est en grande partie due à l'augmentation des dépenses publiques. Évidemment, l'augmentation a été telle qu'Ottawa et toutes les provinces ont accepté de subir d'importants déficits budgétaires.

Le scénario n'est pas nouveau. Lors de la récession de 1981-82, toutes les administrations publiques ont gonflé leurs dépenses afin de soutenir l'économie, quitte à créer d'énormes déficits. À l'époque, on croyait, de bonne foi, que ces déficits «conjoncturels» allaient se résorber d'eux-mêmes avec le retour à la croissance économique. On sait aujourd'hui que cela ne s'est pas produit, et on se souvient encore des énormes sacrifices qu'il a fallu demander aux contribuables canadiens, dans les années 1990, pour sortir les finances publiques du cul-de-sac où elles s'étaient enfoncées.

Aucun gouvernement ne veut revivre ce cauchemar, et c'est pourquoi on accorde tant d'importance à retrouver l'équilibre le plus rapidement possible.

L'an dernier, les dépenses du fédéral et des provinces réunies ont augmenté de 3,4%, chiffre supérieur à l'inflation, supérieur aussi à la croissance économique. Fini tout cela. Selon les calculs du Conference Board, les administrations publiques réussiront à contenir les hausses à 1,7% cette année et 1,8% en 2012. Au chapitre des immobilisations (notamment dans les investissements en infrastructures), on prévoit même un recul de 4% en 2011 et de 12,5% l'an prochain. Autrement dit, l'ensemble des dépenses fédérales et provinciales en immobilisations passera, en deux ans, de 56 à 47 milliards.

On devra donc apprendre à se passer de la manne publique.

Mais il y un bon côté de la médaille. Le fait que les gouvernements dépensent moins n'entraînera pas de turbulences économiques majeures. Le document prévoit en effet une croissance de 2,4% cette année et de 2,7% l'an prochain. Certes, c'est un peu moins bon que l'an dernier, mais on est loin de la catastrophe.

Cela tient à plusieurs raisons.

Le secteur privé prendra la relève. Ainsi, pendant que les gouvernements se serrent la ceinture, les entreprises devraient augmenter leurs investissements de 10,4% cette année. Il en résultera, entre autres, une forte création d'emplois, et le taux de chômage reculera à 7,5% en 2001 et à 6,9% l'an prochain.

Qui dit baisse du chômage dit aussi augmentation des dépenses de consommation, une des clés de la croissance économique. Déjà, on note que le revenu des ménages connaît des gains importants depuis quelques mois. «Fortes d'une solide progression de l'emploi et d'une remontée des heures travaillées, écrit le Conference Board, les dépenses de consommation alimenteront la croissance du Produit intérieur brut en 2011.» Vrai, mais il faut ajouter un bémol. L'endettement des ménages atteint des niveaux sans précédent. En 1990, il se situait à 79% du revenu disponible; aujourd'hui, il frise la barre des 140%! Certes, cette situation est moins tragique qu'il n'y paraît à première vue. De loin, les hypothèques constituent les principales dettes des ménages. Or, les valeurs nettes des propriétés sont supérieures (souvent largement supérieures) aux hypothèques. La situation financière des ménages, sur papier, demeure saine. N'empêche : une valeur nette sur une maison, c'est bien beau, mais en attendant, il faut toujours bien continuer de payer l'hypothèque.

En somme, les dépenses des ménages continueront de faire tourner la roue de l'économie, mais avec un tel niveau d'endettement, la roue risque de tourner moins rapidement.

Les signaux en provenance des États-Unis sont plus encourageants. Après trois années particulièrement pénibles, l'économie américaine commence à donner des signes de rétablissement. La croissance devrait rebondir à 3,5% cette année et atteindre un vigoureux 3,8% en 2012. Les États-Unis sont, de loin, le premier client du Canada, et leurs difficultés ont fortement contribué à l'effondrement des exportations canadiennes; depuis deux ans, le Canada, qui dégageait toujours d'énormes surplus commerciaux, est maintenant dans le rouge à ce chapitre. Dans ces conditions, une reprise au sud de la frontière ne peut constituer qu'une bonne nouvelle.