Il y a de ces budgets qui se lisent comme une liste d'épicerie. Un peu de ceci, un peu de cela, etc. Pas le deuxième budget du ministre des Finances, Raymond Bachand. Il paraît guidé par une seule préoccupation: comment préparer le Québec à ses vieux jours?

C'est une question que, collectivement, les Québécois ont longtemps esquivée, comme des rides que l'on refuse de voir dans le miroir. Mais il n'y a pas de petite crème miracle pour gommer la réalité démographique à laquelle le Québec est confronté.

Le Québec vieillit. Cela se traduit par moins de travailleurs et plus de retraités qui vivent, par ailleurs, de plus en plus longtemps avec leurs bobos.

Conséquence logique: des entreprises qui se cherchent des employés qualifiés- d'ici cinq ans, 740 000 postes seront à combler. Et un gouvernement qui voit ses rentrées fiscales baisser, tandis que ses dépenses sont susceptibles d'exploser.

En jouant le bon père de famille, le ministre Bachand prend les moyens pour s'assurer que les Québécois aient une retraite plus confortable. Cela commence par la sauvegarde du Régime des rentes du Québec, dont la caisse se viderait à compter de 2039, si rien n'est fait. Cette hausse des cotisations (qui sont payées à moitié par l'employé et à moitié par l'employeur), à 10,8% en 2017, était inévitable en raison des prochaines vagues de départs et des piètres rendements passés de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Le ministre Bachand invite les Québécois à rester au travail, du moins ceux qui en ont encore le goût et l'énergie. Ici, il manie la carotte et le bâton. Pénalités actuarielles pour ceux qui partent avant 65 ans. Bonification des rentes pour les Québécois qui partent à la retraite après. En plus, les travailleurs de 65 ans et plus profiteront d'un nouveau crédit d'impôt pouvant atteindre 1500$ par année.

Le ministre des Finances veut aussi inciter les Québécois à économiser pour les vieux jours. À l'heure actuelle, de 30% à 40% d'entre eux n'arrivent pas à maintenir leur niveau de vie à la retraite. Les modalités des nouveaux régimes volontaires d'épargne-retraite, que tous les employeurs devront offrir, laissent toutefois à désirer.

À la limite, on conçoit que le gouvernement n'ait pas voulu accroître le fardeau des entreprises, qui ne seront pas tenues de contribuer à ces régimes. Mais les sociétés auraient dû assumer les frais de gestion des conseillers financiers, d'autant que ce sont elles qui les sélectionneront. Par ailleurs, le gouvernement n'a mis en place aucun mécanisme pour limiter ces frais de gestion, une manne pour le secteur financier.

Les travailleurs pourront toujours exercer leur droit de retrait. Mais dans ce contexte, les Québécois n'ont aucune incitation à épargner plus qu'avant.

Le vieillissement de la population est aussi lourd de conséquences pour les finances publiques. Surtout que le gouvernement garde le cap sur le déficit zéro en 2013-2014. Cette année, c'est une reprise plus forte qu'anticipé qui a permis au gouvernement de récolter 1 milliard de plus. Ces revenus inattendus ont plus que compensé des dépenses supplémentaires de 760 millions de dollars.

Alors que le ministre Bachand prévoit une croissance molle de 2%, il ne sera pas toujours aussi chanceux. Les redevances sur les profits miniers, dont le taux avait été timidement relevé à 16% dans le dernier budget, permettront sans doute à Québec d'empocher 1,4 milliard de dollars en cinq ans.

Cette somme paraît d'ailleurs plus assurée que le 1,4 milliard que Québec espère récupérer en s'attaquant au travail au noir, pour la seule année 2013-2014. C'est quatre fois plus que ce qui a été retrouvé cette année. Il va falloir en pincer, des travailleurs au noir! Il va falloir en saisir, des cigarettes de contrebande!

À la fin, le gouvernement devra véritablement s'attaquer au contrôle des dépenses, qui est nettement moins assuré que ce qu'on voudrait nous faire croire avec sa comptabilité à tiroirs. Le ministère des Finances présente ainsi comme des dépenses inattendues des paiements auxquels le gouvernement a donné son plein accord, comme l'entente avec les responsables de service de garde ou encore le règlement sur l'équité salariale.

Il faudra être particulièrement vigilant en santé, qui représente 42% du budget du gouvernement.

La croissance des dépenses doit se limiter à 5% au cours des prochaines années, alors que de 2002 à 2009, elle a progressé de 6,1% par an, en moyenne, selon les calculs de la Financière Banque Nationale. Gros défi.

Après avoir imposé une contribution santé, après avoir haussé la TVQ, les droits de scolarité et les tarifs d'électricité, le gouvernement devra faire mieux. Puisque les Québécois restent avec la désagréable impression qu'ils sont les seuls à se serrer la ceinture.