Si on le compare à ses homologues des autres provinces, le premier ministre québécois Jean Charest fait très bonne figure en ce qui concerne le contrôle des dépenses publiques; en revanche, sa maîtrise de la dette et du déficit est tout juste passable, et sa feuille de route est carrément pitoyable dans le dossier de la fiscalité.

À tout prendre, parmi les 10 premiers ministres, il doit se contenter d'une moyenne sixième place dans un classement que vient de publier l'Institut Fraser.

Les auteurs du document comparent la gestion des finances publiques de chaque premier ministre jusqu'à l'année financière 2009-2010, dernier exercice pour lequel on dispose des chiffres complets. Ils ont retenu trois critères: la croissance des dépenses publiques, la volonté de maintenir une fiscalité compétitive, et la capacité de déposer des budgets équilibrés et de diminuer la dette publique. Pour chaque critère, on attribue, en fonction de la performance de chaque province, une note de 1 à 100. Au total, personne n'obtient une note parfaite de 100, parce qu'il est virtuellement impossible d'avoir une feuille de route parfaite dans les trois dossiers.

Il faut noter que depuis le dépôt des budgets 2009-2010, quatre premiers ministres ne sont plus en poste: Gary Doer (Manitoba) a été nommé ambassadeur aux États-Unis, Shawn Graham (Nouveau-Brunswick) a été battu aux élections, Danny Williams (Terre-Neuve) et Rodney MacDonald (Nouvelle-Écosse) ont démissionné. Un cinquième, Gordon Campbell (Colombie-Britannique), quittera son poste avant la fin du mois.

Voyons maintenant ce que cela donne.

Le meilleur élève de la classe, assez loin devant les autres, est le libéral Gordon Campbell, le seul qui obtient une note parfaite de 100 pour la croissance des dépenses. Pour atteindre un tel score, les dépenses ne doivent dépasser ni le taux d'inflation ni le taux de croissance économique.

Mais cette bonne note coûte cher à M. Campbell: il a sabré les dépenses sociales, réduit la taille de la fonction publique, privatisé la société des traversiers. Il y a trois mois, en novembre, les sondages ne lui donnaient plus que 9% d'appuis populaires, et il a annoncé sa démission. M. Campbell obtient aussi de bonnes notes en fiscalité (83,1), notamment pour avoir abaissé les impôts des particuliers, et dans le dossier de la dette et du déficit (84,3). Au total, il s'en tire avec un score de 89,1... et un sommet d'impopularité.

Au deuxième rang arrive le néo-démocrate Gary Doer, du Manitoba. Il peut sembler assez étonnant que l'Institut Fraser, farouche défenseur de l'économie de marché, accorde une aussi bonne note à un néo-démocrate. En réalité, M. Doer a fait la preuve qu'on peut à la fois avoir le coeur à gauche et être bon gestionnaire. Le point fort de M. Doer, ce sont ses budgets équilibrés. Pendant ces 10 années au pouvoir, il a réussi, bonnes et mauvaises années confondues, à dégager un surplus budgétaire moyen équivalent à 0,5% du produit intérieur brut (PIB), ce qui est excellent. Cet argent a été canalisé vers le remboursement de la dette. À ce chapitre, N. Doer obtient une note parfaite de 100. Très bonne performance aussi du côté de la croissance des dépenses, avec 85,5. En revanche, il n'obtient qu'un médiocre résultat de 49,1 au chapitre des baisses d'impôts. Au total, cela lui donne 78,2 points.

Au Québec, le premier ministre Charest arrive au sixième rang avec une note globale de 53,7. Son point fort, c'est le contrôle des dépenses. Depuis l'exercice 2003-2004, les dépenses du gouvernement québécois ont augmenté en moyenne de 5% par année. En un sens, c'est beaucoup, par rapport à la croissance du PIB (3,2%) ou au taux d'inflation (2,5%). Cependant, c'est beaucoup mieux que dans les autres provinces. Seuls Gordon Campbell et Gary Doer ont réussi à faire mieux à ce chapitre. Cela lui vaut une bonne note de 81,1. Son point faible, c'est la fiscalité. M. Charest, en dépit de ses promesses, n'a pas réussi à abaisser le fardeau fiscal des Québécois, qui demeure le plus lourd au Canada; le Québec est même une des rares provinces à avoir augmenté l'impôt des sociétés. Pour ces raisons, M. Charest n'obtient que 25,3 points à ce chapitre. En ce qui concerne la dette et le déficit, il s'en tire moyennement avec 54,2 points.

Mais il y a bien pire. Parmi les quatre premiers ministres qui obtiennent de moins bons résultats que Jean Charest, le libéral Dalton McGuinty, en Ontario, arrive loin en queue du peloton avec un score total de 29,7. Toutes proportions gardées, c'est presque deux fois pire que Jean Charest. La détérioration des finances publiques ontariennes depuis quelques années est déjà un fait largement connu et documenté. Le classement de Fraser ne fait que refléter cette réalité, La croissance annuelle moyenne des dépenses sous l'administration McGuinty atteint le niveau vertigineux de 7,7% (trois fois l'inflation!). M. McGuinty a alourdi le fardeau fiscal des particuliers, malgré une promesse contraire. Enfin, les déficits budgétaires ont atteint en moyenne 0,8% du PIB par année, ce qui a contribué à propulser la dette ontarienne à un niveau sans précédent.