Pas facile de vouloir aider les travailleurs à se sortir de la misère. Le moindre projet susceptible de proposer une solution risque de se faire lapider sur la place publique par des détracteurs de toute allégeance politique.

Un exemple tout chaud: la proposition de Claude Castonguay de mettre en place un REER obligatoire pour les travailleurs ne bénéficiant pas d'un régime de retraite d'employeur. Ce régime toucherait à vrai dire les deux tiers des travailleurs, incluant tous les travailleurs autonomes et la presque totalité des employés des PME québécoises.

À peine venait-il de commencer à expliquer les fondements de son projet de REER obligatoire que l'ancien ministre libéral et père de l'assurance-maladie se faisait tirer dessus par les bazookas de tous les partis politiques.

C'est quoi cette attaque débridée contre un projet ne visant en bout de ligne qu'à aider les futurs retraités à revenu modeste? Qu'on se calme le gosier! Et voyons plutôt comment il est possible de le remanier de sorte à en arriver fondamentalement à un projet suffisamment rassembleur pour devenir réalité.

Revoyons les grandes lignes du REER Castonguay proposé.

Un, il s'agit d'une sorte de régime gouvernemental offert exclusivement aux travailleurs qui ne bénéficient d'aucun régime de retraite d'employeur.

Deux, les travailleurs de 35 ans et plus seraient obligés d'y investir 5% de leurs revenus annuels, et ce par l'entremise d'un mécanisme de perception ressemblant à celui du RRQ.

Trois, la fourchette des revenus assujettis au REER obligatoire porterait sur la tranche de revenus localisée entre 25 000$ et 80 000$.

Quatre, les cotisations seraient évidemment déductibles d'impôt, à l'instar des contributions REER.

Cinq, le capital accumulé dans le REER Castonguay ne pourrait servir qu'à des fins de retraite ou d'achat d'une propriété.

Six, à partir de 65 ans, les participants auraient le choix d'encaisser une rente viagère ou une rente conjointe par l'entremise d'institutions financières agréées.

Sept, le gouvernement du Québec garantirait aux cotisants du REER obligatoire un rendement minimum calqué sur le rythme de la croissance économique.

Huit, le capital accumulé dans le REER obligatoire serait géré par un organisme indépendant du gouvernement, comme c'est présentement le cas avec l'Office d'investissement du Régime de pension du Canada.

Neuf, le REER Castonguay exclut toute forme de participation de la part des employeurs, sous prétexte que les entreprises ne peuvent supporter de nouvelles charges sociales si elles veulent demeurer concurrentielle par rapport à la Chine et autres pays émergents.

Dix, le projet de REER obligatoire serait, selon son instigateur, moins pénalisant pour l'ensemble des travailleurs qu'une hausse généralisée des cotisations et prestations de la RRQ.

Comme on peut le constater avec la fourchette de revenu couverte, soit de 25 000$ à 80 000$, le projet de Claude Castonguay vise avant tout à dépanner les travailleurs de la classe moyenne qui ne jouissent d'aucun régime de pension d'employeur.

Il trouve que cette catégorie de travailleurs est nettement défavorisée lorsque la retraite arrive.

Faute d'avoir un REER suffisamment garni pour leur permettre de compenser la perte de revenus de travail, les retraités de ce groupe doivent généralement couper dramatiquement dans leur train de vie.

On aura compris que les seuls revenus tirés des régimes publics de retraite ne suffisent pas à compenser la diminution des revenus tirés d'un travail. Je vous rappelle que la pension de vieillesse rapporte présentement 6291$ par année (524,23$ par mois).

Si on est très pauvre, on a accès au Supplément de revenu garanti du fédéral (SRG), soit un montant additionnel pouvant atteindre 7940$ (661,69$ mensuel). Notez que la SRG fond à vue d'oeil, à raison de$1 par gain de 2$, sitôt que nous gagnons d'autres revenus que la pension de vieillesse.

À ces revenus fédéraux, s'ajoute le montant de la rente de la RRQ. Selon les cotisations effectuées durant notre vie active, la RRQ peut rapporter jusqu'à un maximum de 11 520$ par année si nous prenons notre retraite à 65 ans.

On résume: le soutien annuel de l'État envers les retraités peut s'élever jusqu'à quelque 20 000$, dans le meilleur des cas, pour une personne seule. Une parenthèse: peu de retraités jouissent par contre de cette somme maximale.

C'est bien, mais convenons qu'on vit pauvrement si on ne dispose que d'une telle somme à la retraite. Voilà pourquoi, il est hautement souhaité de pouvoir compter sur d'autres sources de revenu de retraite. Les plus gâtés parmi les travailleurs, ce sont ceux qui jouissent d'un régime de retraite d'employeurs publics et privés. Ils représentent le tiers des travailleurs québécois.

Les deux tiers restants doivent donc pour leur part compter uniquement sur leurs contributions au REER pour pouvoir bonifier leurs revenus à la retraite.

Le problème? Seulement un travailleur sur quatre contribue à un REER. Et la proportion tombe même à moins de 1 sur 5 chez les gens gagnant moins de 35 000$ par année.

Pis encore, la cotisation moyenne chez ces travailleurs qui cotisent à leur REER varie de 1150$ à 2083$ l'an. Non seulement le pourcentage de travailleurs contribuant à un REER est faible, mais en plus, le montant des contributions des détenteurs de REER est faible.

Quand on met bout à bout toutes les données précédentes, force est de constater, à l'instar de Claude Castonguay, que la retraite s'annonce financièrement douloureuse pour la majorité des travailleurs qui ne disposent pas d'un régime de retraite d'employeur.

Personnellement, je n'ai rien contre le projet d'épargne forcée que propose M. Castonguay. Mais devant le tollé des politiciens de tous les partis, il est évident que le projet de REER obligatoire n'a aucune chance de voir le jour.

Pour inciter les travailleurs à revenu moyen et faible à investir une portion de leurs revenus dans un REER (à revenu minimum garanti comme le propose Castonguay), je recommande de leur accorder le même niveau de déductions fiscales (48,2%) que celui octroyé aux gens gagnant un revenu imposable de 130 000$ ou plus.

Si les gouvernements de Québec et d'Ottawa trouvent logique d'accorder de telles déductions d'impôt aux riches travailleurs pour les inciter à investir dans leurs REER déjà bien garnis, je trouve tout à fait équitable d'offrir les mêmes avantages fiscaux aux travailleurs à revenu faible ou moyen.

Ces déductions de 48,2% aux travailleurs qui contribueraient à ce «REER gouvernemental» devraient faire l'objet de crédits d'impôt remboursables, question de permettre aux travailleurs de bel et bien bénéficier eux aussi des alléchantes déductions fiscales.

À l'heure actuelle, le travailleur au revenu imposable de 20 000$ reçoit des déductions d'impôt de 285$ par tranche d'investissement REER de 1000$. Le travailleur qui gagne sept fois ou plus d'argent encaisse, lui, des déductions de 482$ pour le même investissement de 1000$.

À défaut de mettre sur pied un REER obligatoire, on pourrait peut-être créer le REER équitable pour inciter la masse des travailleurs à investir dans leur future retraite.

Essayez-le pour voir!