Dans un contexte économique et financier plus volatil que jamais, il n'est certainement pas facile d'émettre des prévisions pour 2011.

Certes, comme chaque année en décembre, tous les experts y sont allés de leurs pronostics. Parmi cette avalanche de tableaux et de statistiques, il est un document qui, à mon avis, transcende tous les autres. Il s'agit des Boules de cristal de l'économie, publiées dans La Presse Affaires depuis 35 ans. Cette enquête annuelle, dirigée par mon collègue Rudy Le Cours, consiste à recueillir, pour les principaux indicateurs économiques (croissance du PIB réel, taux de chômage, taux de change, taux d'intérêt, mises en chantier, etc.), les prévisions d'un groupe d'économistes réputés, puis d'en calculer la moyenne.

Ce qui est remarquable avec le comité de spécialistes de La Presse Affaires, c'est que les boules de cristal ont toujours pointé dans la bonne direction. Chaque fois que les Boules pointaient vers le haut, il y a eu croissance; chaque fois qu'elles pointaient vers le bas, il y a eu ralentissement.

Les prévisions pour 2011, publiées début décembre, font état d'une croissance de 2,175% pour le Québec. C'est moins que les 2,6% observés en 2010, mais on ne peut pas parler de catastrophe. Lors du dépôt de son dernier budget, au printemps, le ministre des Finances Raymond Bachand s'attendait également à 2,6% pour 2011, mais il a dû revoir cette prévision à la baisse. Aujourd'hui, il s'attend à 2,2%, ce qui, à quelques poussières près, rejoint les prévisions des spécialistes.

L'économie québécoise devrait créer 48 500 emplois au cours de l'année qui commence, les mises en chantier devraient reculer de 12%, les taux d'intérêt devraient demeurer stables et le dollar canadien devrait rester à parité avec le dollar américain toute l'année. Pas de catastrophe appréhendée, donc, mais ce ne sera pas une année de vaches grasses non plus.

Par ailleurs, le dossier des finances publiques continuera de dominer l'actualité en 2011.

Dans son budget du 4 mars 2010, M. Flaherty annonçait un déficit de 49 milliards, à peine moins que les 54 milliards de l'exercice précédent. Mais il fournissait en même temps l'assurance que ce déficit serait pratiquement éliminé en 2015.

La première de ces prévisions a de bonnes chances de se réaliser; pour la deuxième, c'est beaucoup moins certain.

Selon les chiffres les plus récents, le déficit des sept premiers mois de l'exercice (avril à octobre) se situait à 22 milliards, en nette amélioration par rapport aux 32 milliards observés pour la période correspondante en 2009. Presque la moitié de ces 22 milliards sont imputables au plan de relance (et notamment aux projets d'infrastructures) mis sur pied pour faire contrepoids à la récession. En principe, le plan de relance devait prendre fin le 31 mars, et le ministre expliquait clairement dans son budget qu'il ne serait pas renouvelé, ce qui soulagera d'autant les finances publiques fédérales. Début décembre, toutefois, M. Flaherty devait annoncer que les municipalités et les promoteurs auront jusqu'au 31 octobre pour achever leurs projets. Il est trop tôt pour calculer l'impact de cette décision sur le déficit fédéral, mais malgré cela, il semble acquis qu'il sera moins élevé que prévu. Et il est fort probable que le prochain budget annonce, pour 2011-2012, un déficit entre 25 et 30 milliards.

Une fois terminées les dépenses liées au plan de relance, le ministre compte essentiellement sur la croissance économique pour résorber le déficit. C'était le pari le plus risqué de son dernier budget, et il est loin d'être gagné. Déjà, il y a quelques semaines, le ministre jonglait ouvertement avec la possibilité de retarder l'objectif du déficit zéro au-delà de 2016. Pour l'instant, tout le monde en est au stade des hypothèses, mais nous en saurons davantage au dépôt du budget.

Le défi du ministre Raymond Bachand, à Québec, est tout autre. Le ministre prévoyait un déficit de 4,3 milliards; sans doute tournera-t-il davantage aux alentours de 4,6 milliards, mais cela ne représente pas forcément une mauvaise nouvelle, puisque cette différence de 300 millions provient essentiellement d'une hausse des prévisions pour éventualités, ce qui est une sage décision en ces temps incertains. Le véritable problème de M. Bachand, c'est l'ampleur de la dette publique. Le ministre s'est donné comme objectif de réduire la dette brute (qui frise les 170 milliards, ou 54% du PIB) à 45% du PIB en 2026. Ce ne sera pas facile: pour y parvenir, on compte notamment sur une hausse des tarifs d'électricité.

Il faudra aussi avoir un oeil sur le budget de l'Ontario. La province voisine accumule d'importants déficits (36 milliards en deux ans) et on voit mal comment le ministre des Finances Dwight Duncan et ses successeurs pourront venir à maîtriser la situation avant sept ou huit ans.