L'endettement des ménages canadiens vient d'atteindre un niveau sans précédent. Selon des chiffres publiés hier par Statistique Canada pour le troisième trimestre de 2010, les ménages sont maintenant endettés à hauteur de 148% de leur revenu personnel disponible, comparativement à 144% un an plus tôt.

C'est un poids énorme à supporter quand on sait que cette proportion était de 110% il y a 10 ans et de 87% au début des années 90.

L'ensemble des dettes des ménages canadiens (hypothèques en premier lieu, mais aussi prêts-auto et autres prêts personnels, soldes de cartes de crédit, comptes payables) atteint la somme astronomique de 1500 milliards de dollars, ou 44 000$ par personne.

Comment expliquer cela, et va-t-on s'en sortir un jour?

S'il faut identifier un responsable, ce serait en premier lieu le faible niveau des taux d'intérêt. C'est facile d'emprunter quand les vendeurs de voitures offrent du «financement» à 0% et qu'on peut trouver des hypothèques à moins de 5%.

Et on n'est pas sorti du bois, parce que les entreprises et les administrations publiques sont aussi fortement endettées. Nous vivons dans un monde «submergé par les dettes». L'expression est de Mark Carney, gouverneur de la Banque du Canada. Dans un discours remarqué, hier à Toronto, M. Carney a prédit que l'assainissement du bilan des ménages et des administrations publiques «exigera des années», rien de moins.

Une première mesure concrète pourrait être annoncée dans le prochain budget du ministre des Finances Jim Flaherty, dans deux mois. Selon des informations publiées hier par le Globe&Mail, le ministre mène présentement des pourparlers avec les grandes banques afin de trouver le moyen de stopper la croissance effrénée de l'endettement des ménages.

Certes, un budget n'a aucun pouvoir sur les taux d'intérêt; en revanche, il est possible de mettre fin au crédit facile. Les banques, par exemple, pourraient exiger une mise de fonds plus importante des emprunteurs hypothécaires. M. Flaherty a déjà annoncé certaines restrictions en février 2010, mais celles-ci n'ont pas donné grand-chose.

Assez curieusement, les consommateurs demeurent ambivalents au sujet de leur endettement. D'une part, cela ne semble pas les inquiéter outre mesure; d'autre part, ils sont conscients qu'ils doivent faire quelque chose pour améliorer la situation. C'est ce que nous indiquent deux sondages publiés hier.

Le premier a été réalisé auprès des contribuables à revenus élevés (100 000$ ou plus) pour le compte de la maison PricewaterhouseCoopers. Selon cette enquête, 67% des répondants jugent que leur niveau d'endettement est «raisonnable», et 78% considèrent qu'ils ont la capacité d'emprunter encore plus. Pourtant, ces mêmes répondants ont l'intention, dans une proportion de 64%, de réduire leur niveau d'endettement au cours des 12 prochains mois. Ils comptent surtout y parvenir en reportant d'importants achats à plus tard.

On retrouve le même genre de paradoxe dans un sondage mené auprès des consommateurs québécois pour le compte de TD Canada Trust. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils sont optimistes lorsqu'il est question de leur situation financière: 51% des répondants s'attendent à une amélioration au cours de la prochaine année, comparativement à seulement 6% qui craignent une détérioration. Là aussi, pourtant, le besoin de mieux gérer ses finances apparaît assez clairement: 57% des répondants envisagent de réduire leurs dépenses et d'éviter d'acheter des choses dont ils n'ont pas besoin; 38% ont l'intention de rechercher les meilleurs prix; 27% ont pris la résolution de payer le solde de leur carte de crédit en entier chaque mois.

Enfin, si on tient compte non seulement des dettes, mais de l'actif, la situation des ménages canadiens est moins dramatique qu'il n'y paraît à première vue. On a vu que les hypothèques représentent le gros des dettes des ménages. De la même façon, les maisons représentent le principal élément d'actif. Comme le montant de l'hypothèque est inférieur à la valeur marchande de la propriété, les ménages sont assis sur une valeur nette considérable. Il faut aussi ajouter, dans la colonne de l'actif, tous les actifs financiers (dépôts bancaires, REER, actions, obligations et autres placements). C'est ainsi que la valeur nette des ménages (actif moins passif) atteint 6100 milliards, 178 600$ par habitant. Ces montants sont quatre fois supérieurs à l'endettement.

Il ne faut surtout pas en conclure que tout va bien. À un niveau de 148% du revenu personnel disponible, les ménages canadiens sont indiscutablement très endettés. Et puis, une grosse valeur nette sur sa maison, c'est bien beau, mais en attendant, faut toujours bien la payer, la maudite hypothèque...

L'ENDETTEMENT DES MÉNAGES EN QUELQUES CHIFFRES (au troisième trimestre de 2010)

Dettes totales des ménages canadiens: 1 505 000 000 000$



Dette en proportion du revenu personnel disponible: 148%

Dette par habitant: 44 000$