En refusant d'accorder à la Ville d'Edmonton les 600 millions qu'elle réclamait pour organiser l'Exposition universelle de 2017, le gouvernement Harper envoie un message limpide à tous ceux qui comptaient sur le fédéral pour contribuer au financement d'un nouveau Colisée à Québec.

Personne ne peut plus se faire d'illusions: politiquement, il est virtuellement impossible de dire non à Edmonton et oui à Québec. D'autant plus que d'autres villes ont aussi des plans dans leurs cartons: Edmonton (encore!), Calgary et Regina planchent toutes les trois sur des projets de nouveaux stades. Dans chaque cas, les coûts sont évalués entre 400 et 450 millions. Hamilton rêve aussi d'un nouvel aréna pour accueillir éventuellement une équipe de la LNH; pour l'instant, le projet est au point mort (son principal promoteur, l'homme d'affaires Jim Balsillie, n'a pas réussi à acheter la franchise de Phoenix), mais rien n'interdit de penser qu'il refera surface dans un an ou deux.

Dire oui à n'importe lequel de ces projets, c'est ouvrir la porte pour tous les autres. En ce sens, Stephen Harper a certainement pris la bonne décision en refusant de financer le projet d'expo d'Edmonton, même si cela risque de lui coûter beaucoup de votes, en Alberta comme au Québec.

Le moment est bien choisi pour rappeler que le financement du sport professionnel avec l'argent des contribuables revient à gaspiller les fonds publics.

Sur le plan financier, une exposition universelle est rarement rentable; en revanche, elle apporte d'authentiques retombées économiques, dans la mesure où elle attire des visiteurs du monde entier.

On ne peut pas dire la même chose du sport professionnel. Bien sûr, les promoteurs de nouveaux arénas peuvent brandir des chiffres rassurants pour mesurer les «retombées économiques» de leurs projets, mais ces chiffres reposent sur du vent: ils tiennent pour acquis que le budget des loisirs des ménages est indéfiniment élastique.

Sans doute, à Québec, pourra-t-on réussir à remplir facilement un nouvel amphithéâtre. Avec la «marche en bleu», des dizaines de milliers d'amateurs ont montré leur enthousiasme. Mais cette ardeur se maintiendra-t-elle longtemps? Si on en juge d'après la tiédeur du secteur privé à investir dans le projet, il ne manque pas de sceptiques.

Mais au fond, vous pouvez remplir tous les amphithéâtres que vous voulez, cela n'injectera pas un sou de plus dans l'économie locale. Pour payer son entrée à un match de hockey, l'amateur va forcément rogner ailleurs dans son budget de loisirs. Ce sera ça de moins pour le cinéma, le théâtre, le restaurant, le salon de quilles, la librairie, le golf, alouette...

Une famille d'Américains qui visite une exposition universelle au Canada apporte une véritable retombée économique. Mais le résidant de Québec, Lévis ou même Chicoutimi qui assiste à un match à Québec ne fait que financer cette dépense à même son budget. Cela n'injecte aucun argent frais dans l'économie québécoise. Dans ce cas, on ne peut pas parler de retombée, mais de déplacement d'argent.

D'ailleurs, il semble bien que la Ville de Québec n'a pas trop souffert du départ des Nordiques, en 1995. Depuis 15 ans, l'économie locale, même privée des précieux Nordiques, aligne régulièrement les beaux chiffres. Le plus récent: de toutes les grandes villes canadiennes, incluant les riches Toronto, Calgary et Ottawa, c'est Québec qui affiche le taux de chômage le plus bas.

Dans sa dernière livraison, la revue Forum de l'Institut Fraser aborde le sujet et n'y va pas de main morte: le financement public du sport professionnel, soutient-elle, est la «pire forme d'aide sociale pour les entreprises» (the worst form of corporate welfare).

«De toutes les entreprises qui reçoivent de l'aide financière du gouvernement, les franchises du sport professionnel, dont la plupart appartiennent à des millionnaires, sont celles qui la méritent le moins», y écrit-on.

Les auteurs de la revue avancent en outre un argument fort intéressant: non seulement le sport professionnel n'apporte pas de retombées, mais il contribue à créer de l'emploi ailleurs.

De loin, les salaires des joueurs représentent la principale dépense des équipes de sport professionnel. On compte ici en dizaines de millions. Or, nombreux sont les joueurs qui ne vivent pas dans la ville représentée par leur équipe. Ainsi, les revenus de l'équipe, provenant en grande partie de sources locales, servent surtout à financer des salaires qui seront dépensés ailleurs.

Enfin et surtout, aux prises avec les déficits budgétaires que l'on sait, à Ottawa comme à Québec, est-ce vraiment un choix responsable que d'engloutir, à même les impôts des contribuables, des millions de dollars de cette façon? Poser la question, c'est y répondre.