Si vous êtes victime d'une erreur de la part de votre firme de placement, ne lâchez jamais prise. Mais encore faut-il vérifier de près vos relevés de compte et demander des explications si vous notez quelque chose qui cloche.

Voici l'histoire du différend que M. Matt vient d'avoir avec sa firme de placement. M. Matt, 74 ans, est à la retraite depuis plusieurs années. Il n'est pas riche, loin de là. Voilà pourquoi il n'investit que dans des placements sûrs, à rendement d'intérêt.

En juin 2008, il achète, par l'entremise de la firme Courtage direct Banque Nationale, des obligations sécuri" du Québec, pour une somme de 24 987$. Il s'agit d'obligations émises par Épargne Placements Québec, dont le rendement indiqué est de 3,5%. Échéance du produit: juillet 2018. Remarquez que sur le relevé de sa transaction, la description du produit acheté est dans un jargon de haut niveau: OBLIG. S CURI" DU QU BEC/EO8-CMP 3,5% 1JL18.

À la lumière de la discussion qu'il a avec le représentant de la firme, M. Matt est convaincu qu'il s'agit bel et bien d'un placement qui rapportera en 10 ans un rendement annuel de 3,5%.

Et au fil des relevés trimestriels que lui envoie la firme de courtage à escompte de la Banque Nationale, il ne peut se douter une seule seconde que le rendement de son placement ne sera aucunement fixe, mais plutôt fort variable.

En effet, sur tous les relevés trimestriels qu'il reçoit entre juin 2008 et juin 2010, le rendement indiqué sur ladite obligation Sécuri" reste fixé à 3,5%. En passant, sur les relevés, la firme décrit maintenant ledit produit dans l'opaque jargon suivant: OSPQ E08 SEC"CM 3,5% 1JL18.

Et le capital du placement passe en deux ans de 24 987$ à 26 764$ (30 juin 2010). La différence de 1777$ entre les deux sommes représente l'accumulation des revenus d'intérêt à même le rendement affiché de 3,5%.

Oups! Une très mauvaise surprise attendait M. Matt au détour.

Baisse de valeur

Sur le relevé de la période du 1er juillet au 30 septembre 2010, M. Matt constate que la valeur de ses obligations Sécuri" chute soudainement à 26 051$, ce qui représente une perte de valeur de 714$, et ce, en l'espace de trois mois.

De plus, il note que le rendement qu'affiche son obligation Sécuri" a subi momentanément une culbute, passant de 3,5% (fin juin) à seulement 0,5% le 30 septembre 2010.

«J'ai communiqué avec un agent de Courtage direct, explique M. Matt. Je lui ai expliqué ma grande déception et, surtout, mon grand désaccord. Il a consulté son supérieur pour finalement me dire que le taux avait changé. Comment ça? lui ai-je demandé. Il me dit que j'avais un taux variable avec cette obligation. Je lui ai répondu que lors de l'achat, jamais le représentant R. ne m'avait dit un mot de ce rendement variable. Si tel avait été le cas, je n'aurais jamais accepté ce taux variable. Dix jours plus tard, l'agent de Courtage direct m'a rappelé pour me faire savoir que son supérieur avait écouté ma conversation avec l'agent R. Celui-ci ne m'aurait jamais dit que l'obligation Sécuri" rapporterait un rendement fixe. Mais il n'a jamais parlé de rendement variable non plus.»

Cela étant dit, Courtage direct ne lui a pas expliqué pourquoi la valeur de son placement dans l'obligation Sécuri" a fondu de 714$ en l'espace de trois mois.

«Comme il s'agit d'un placement sûr, où est la logique de le voir perdre autant de valeur si rapidement?» me demande M. Matt. Selon mon hypothèse, la seule explication plausible repose sur la récupération de revenus d'intérêt versés en trop par la firme de courtage à ses clients, qui, à l'instar de M. Matt, ont acheté des obligations Sécuri".

Après avoir décrit le problème de M. Matt (sans révéler son nom), j'ai demandé au service des communications de la Banque Nationale de vérifier par quel mystère financier la firme Courtage direct pouvait rapporter une perte de valeur de 714$ sur des obligations Sécuri" dont la valeur marchande ne peut fluctuer.

Réponse de la Banque Nationale: «Ce produit est manufacturé par Placements Québec. Il est assorti d'un taux initial garanti pour 6 mois, puis subséquemment révisé à intervalle de 6 mois. Les systèmes de calcul de prix et de rendement n'étant pas infaillibles, ils n'ont pas détecté, dans le cas présent, le changement de taux au cours des trois périodes de 6 mois subséquentes à la période initiale d'achat. Une vérification manuelle, effectuée en juin 2010, a permis de relever l'omission et de corriger le tir.»

«Après vérifications d'usage, BNCD (Courtage direct) consent aux trois clients visés un remboursement du montant de l'écart entre la valeur évaluée de juin 2008 à juin 2010, et la valeur réelle reconnue au 30 septembre 2010. Un remboursement de 714$ sera donc remis au client que vous mentionnez et des montants inférieurs aux deux autres clients détenteurs de ce produit.»

J'ai rappelé M. Matt pour lui annoncer la bonne nouvelle BN qu'on ne lui avait pas encore communiquée!