L'inflation en Chine a atteint en octobre un sommet de 25 mois. L'immobilier et le crédit augmentent sans cesse malgré les mesures restrictives du gouvernement. Vous avez dit «surchauffe»?

Il ne reste plus beaucoup de doutes, la Chine est aux prises avec de sérieux débordements économiques dans certains secteurs, confirment des données publiées au cours des derniers jours.

Prenons le commerce de détail: durant la «Semaine dorée» des vacances (Golden Holidays Week) au pays, qui s'étend du 1er au 7 octobre, les ventes des marchands chinois ont bondi de 30% par rapport à l'année dernière, selon une association nationale de commerçants, qui dit n'avoir jamais vu rien de tel.

Les grands bénéficiaires de cette manne? Le secteur des biens de luxe surtout.

Dans le secteur de l'immobilier, c'est la même chose: par exemple, à Hong-Kong, les prix moyens des appartements de luxe atteignent désormais un niveau supérieur de 14% à ceux atteints en 1997. Le prix du mètre carré dans les logements les plus recherchés a atteint en août 142 249 dollars de Hong-Kong, ou plus de 18 600$CAN pour un espace grand comme une armoire à balais.

Rappelons que l'immobilier dans la région a atteint son zénith en 1997, juste avant l'éclatement de la «crise asiatique» qui a durement secoué les marchés financiers. Durant les mois qui ont suivi, les prix de l'immobilier résidentiel à Hong-Kong ont plongé de 60%.

Et, comme s'il fallait asperger de l'huile sur le feu actuellement, le crédit ne dérougit pas. Les banquiers chinois continuent à prêter ces jours-ci comme s'il n'y avait pas de lendemain: les banques ont distribué près de 90 milliards de dollars canadiens de nouveaux prêts en octobre, selon la banque centrale. C'est au moins 25% de plus que les prévisions des économistes, et ce, malgré les efforts des autorités pour limiter le crédit depuis le début de 2010.

Inflation

Devant de tels dérapages, le dernier bilan de l'inflation chinoise, dévoilé jeudi, ne recèle aucune surprise.

L'indice des prix à la consommation au pays a grimpé de 4,4% (en glissement annuel) en octobre - un sommet depuis le début de la crise financière, à l'automne 2008.

Au lieu de se résorber, la hausse des prix à la consommation s'accélère, comme en témoignent les résultats de septembre ("3,6%), août ("3,5%) et juillet ("3,3%).

Le chiffre de 4,4% se révèle non seulement supérieur aux prédictions de plusieurs analystes, il rend aussi plus difficile la tâche du gouvernement chinois, qui s'est fixé pour but de maintenir sous la barre des 3% la hausse des prix.

Des mesures plus fortes

Pourtant, la Banque populaire de Chine avait surpris les marchés, le mois dernier, avec une première hausse des taux d'intérêt en près de trois ans. De toute évidence, ce n'est qu'un début.

Selon le Crédit Suisse, Pékin haussera les taux d'au moins 50 centièmes «au cours des prochaines semaines». Sinon, au rythme actuel, l'inflation chinoise atteindra le seuil alarmant des 6% d'ici à l'été prochain, selon la firme.

Économiste à la Deutsche Bank AG, Jun Ma s'attend à des mesures encore «plus offensives». Outre des hausses de taux, il prévoit d'autres restrictions pour les institutions prêteuses et même des mesures pour contenir les prix de certaines denrées, comme les céréales et le coton.

Sans oublier que l'inflation galopante «renforce les arguments en faveur d'une appréciation plus rapide de la monnaie chinoise», ajoute Brian Jackson, économiste à la Banque Royale du Canada.

La Chine est pressée depuis des mois par ses partenaires commerciaux, y compris lors de la réunion du G20 à Séoul la semaine dernière, de laisser s'apprécier le yuan par rapport aux autres monnaies. On fait valoir que la faiblesse du yuan confère un avantage indu aux produits chinois. Face à l'inflation et aux exportations qui grimpent sans cesse, Pékin pourra difficilement justifier son entêtement.

Les boursicoteurs ont sonné l'alarme vendredi, ce qui a entraîné des replis importants des indices à Shanghai et à Wall Street. Un bon coup de frein est à prévoir pour la locomotive chinoise.

Il n'y a pas que la hausse des prix qui inquiète l'État chinois. La progression de la classe moyenne entraîne aussi une «inflation» du nombre de chiens - selon l'expression des médias locaux - dans la mégapole de Shanghai, déjà peuplée de 20 millions d'habitants.

Si bien que les autorités veulent implanter une politique du «chien unique». Cette mesure rappelle qu'il y a 30 ans, la Chine communiste avait instauré une politique draconienne de «l'enfant unique» pour freiner la croissance démographique. Aujourd'hui, ce sont les chiens qui dérangent.

Prospérité aidant, le meilleur ami de l'homme se porte de mieux en mieux en Chine. Shanghai compterait 800 000 chiens, dont seulement le quart sont enregistrés.