En Allemagne, la crise fait désormais partie du passé: le chômage chute, il y a plus de postes à combler qu'avant la faillite de Lehman Brothers, les exportations s'envolent et les finances publiques s'améliorent à vue d'oeil.

Pour la première fois depuis 1992, le nombre de chômeurs en Allemagne est passé sous la barre symbolique des 3 millions, en octobre... et il devrait y rester.

Selon les chiffres officiels parus la semaine dernière, le nombre de demandeurs d'emploi a atteint 2,95 millions, en baisse de 86 000, alors que les entreprises accélèrent l'embauche pour répondre à la demande mondiale de machinerie et de voitures allemandes.

À la fin de 2005, faut-il le rappeler, on comptait quelque 5 millions de chômeurs dans ce pays.

Cet exploit «miraculeux», au dire de certains élus locaux, tranche avec la morosité ambiante qui prévaut ailleurs en Europe. Et surtout, cela confirme le redressement de la plus grande économie du Vieux Continent.

La locomotive allemande, qui carbure aux exportations, devrait enregistrer une croissance économique de 3,5% cette année, de loin la meilleure performance du club euro. Une reprise d'autant plus remarquable que l'Allemagne avait connu une récession sans précédent en 2009 (-4,7%).

À plein régime

La bonne santé de l'emploi en Allemagne témoigne d'une embellie généralisée et bien appuyée. Car en scrutant le paysage économique, on réalise que la plupart des indicateurs du pays sont au vert:

- Le climat des affaires y a atteint un sommet depuis trois ans et demi (institut Ifo). Fin septembre, les ménages affichaient un moral au plus haut depuis 2007, grâce notamment à des salaires qui repartent à la hausse après des années de sacrifices.

- Sur le front des finances publiques, l'horizon s'éclaircit rapidement. L'Allemagne sort plus vite de la crise que ses voisins européens. Selon les économistes, le déficit public sera ramené sous les 3% du PIB dès 2011, donc en conformité avec le Pacte de stabilité européen.

- Et, comble de bonheur pour les travailleurs, le nombre d'emplois à pourvoir a retrouvé et même dépassé son niveau d'avant la crise financière, avec 401 000 postes vacants, une hausse de 25% environ en un an.

Une ombre au tableau, cependant: une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée inquiète désormais les employeurs. Les pressions sur les salaires augmentent et des entreprises, notamment dans les secteurs technologiques et dans la santé, ne trouvent pas le personnel dont elles ont besoin.

Des réformes

L'économiste Andreas Scheuerle, de la DekaBank, de Francfort, signale que la reprise économique rappelle la période qui a suivi la réunification de 1990. Mais cette fois, le pays repose sur des bases plus solides.

D'abord, les exportations allemandes montent en flèche (un bond spectaculaire de 16% prévu en 2010) en raison surtout de la demande des pays émergents.

De plus, les réformes du marché du travail, entreprises dans la douleur en 2003, portent les fruits espérés.

Notamment, le dispositif de chômage partiel, qui a vu l'État subventionner les mises à pied par les entreprises au pire de la crise financière, a fait ses preuves en permettant de minimiser les pertes d'emplois au cours des dernières années.

De plus, le coût unitaire de main-d'oeuvre n'a progressé que de 2% en Allemagne de 2002 à 2008 contre environ 18% dans l'Union européenne. La compétitivité du pays en profite, comme en témoigne le commerce extérieur florissant.

Au final, il en découle une sorte de cercle vertueux: les affaires des exportateurs stimulent l'emploi, ce qui alimente l'optimisme des consommateurs, rendant la croissance moins tributaire d'une demande internationale encore hésitante par endroits.

«Les craintes de Monsieur Tout-le-Monde d'être au chômage sont tombées à un creux historique», a relevé la semaine dernière Andreas Rees, économiste de la banque italienne Unicredit. Selon lui, les consommateurs allemands, «qui comptaient chaque sou», sont en train de changer leurs habitudes malgré un repli passager des ventes de détail en septembre. Autrement dit, ils dépensent.

En somme, l'Allemagne ne souffre pas des succès des pays émergents, elle en profite.

«Ce n'est pas un feu de paille mais une tendance stable, a clamé mercredi le ministre de l'Économie, Rainer Brüderle, en référence à la chute du chômage. Nous sommes sur la voie rapide vers le plein emploi.»

Visiblement, la confiance règne. Un économiste d'une banque allemande a même qualifié de «magique» le marché de l'emploi de son pays. Qui dit mieux? Une économie miraculeuse, l'Allemagne?