Le député péquiste François Rebello trouve pour le moins gênant de voir que la Caisse de dépôt et placement du Québec détienne des actions et des obligations de Citigroup, la maison mère de la CitiFinancière, laquelle institution siphonne nombre de ses clients avec des taux de crédit exorbitants.

Réagissant à ma chronique de jeudi où je dénonçais le taux de crédit de 57% que CitiFinancière avait facturé sur le prêt de 3500$ consenti à une pauvre cliente, M. Rebello a sauté sur l'occasion pour rappeler les démarches qu'il avait effectuées au nom de l'opposition péquiste dans le dossier de la CitiFinancière.

«Je trouve ça déplorable, d'abord parce que c'est moralement inacceptable de prêter à des pauvres à des taux d'intérêt aussi élevés, mais aussi parce que ça veut dire que la Caisse continue à investir dans le subprime malgré la débâcle qu'elle a connue. C'est comme si elle n'avait tiré aucune leçon de la crise des subprimes.»

Lors de la comparution du grand patron de la Caisse, Michael Sabia, devant la commission des finances publiques, le 4 mai dernier, M. Rebello lui a demandé s'il était d'accord avec la politique de prêt à taux élevé de CitiFinancière et si ce genre de prêteur n'allait pas à l'encontre de la politique de la Caisse d'une bonne gestion de risques.

Il a notamment indiqué à M. Sabia (au cas où il l'ignorait) que CitiFinancière consentait des prêts personnels à des taux qui dépassaient les 30% et ce à des gens qui, dit-il, ne sont pas capables de se qualifier à la banque... normale.

«Est-ce que vous êtes d'accord avec ce type de pratique-là, un? Puis, deux, comment évaluez-vous l'impact de ça sur le risque pour la Caisse de dépôt? Est-ce que vous êtes d'accord pour continuer à investir dans le subprime...» lui a demandé M. Rebello.

Dans une réponse pour le moins floue, M. Sabia s'est contenté de lui répondre que les obligations et les actions de Citigroup faisaient partie d'un portefeuille indiciel et qu'en conséquence la Caisse devait en détenir en fonction de la pondération de Citigroup dans ledit portefeuille de la Caisse.

M. Sabia a ajouté: «Mais nous avons utilisé le droit de vote... d'exprimer un certain inconfort en ce qui concerne ces questions.»

Il faut croire que l'intervention de l'opposition péquiste n'a eu aucun impact sur M. Sabia et ses gestionnaires de portefeuille par rapport à Citigroup.

La Caisse a depuis le début de l'année quintuplé sa position dans les actions de Citigroup. En date du 30 juin dernier, selon un rapport déposé à la SEC (Securities and Exchange Commission), la Caisse détenait 5,5 millions d'actions de Citigroup, à comparer à un peu moins d'un million à la fin de décembre 2009.

Par ailleurs, pour expliquer en quoi Citigroup représente pour la Caisse un placement douteux au plan éthique, M. Rebello questionne ouvertement le modèle de gestion de la filiale CitiFinancière.

Il s'en prend entre autres à la stratégie de sollicitation de CitiFinancière, qui appâte des clients par l'entremise de prêts préapprouvés de plusieurs milliers de dollars, à des taux dépassant les 30%. Les clients ciblés se trouvent souvent parmi les plus vulnérables, financièrement parlant. Ce qui était notamment le cas de Marie, que j'ai dénoncé cette semaine dans ma chronique «S'étouffer avec du crédit à 57%.»

En passant, la direction de CitiFinancière défend ouvertement son modèle de gestion, aussi questionnable soit-il au plan éthique.

Dans une lettre datée du 11 juin dernier, adressée à François Rebello, le président de CitiFinancière Canada, Scott E. Wood, justifie son modèle d'affaires.

«Nous l'avons déjà mentionné, le modèle de gestion de CitiFinancière répond à une partie de la population canadienne qui éprouve certaines difficultés à obtenir des prêts auprès des institutions financières traditionnelles du Canada. Ce segment de la population a possiblement peu d'antécédents de crédit ou un historique de crédit en voie d'amélioration. Il représente donc un risque plus élevé.

«En contrepartie, ajoute M. Wood, lorsque nous évaluons une demande de prêt, notre priorité consiste à nous assurer que le client est en mesure de rembourser le prêt. Les standards de souscription de CitiFinancière sont rigoureux et répondent, ou excèdent, les exigences réglementaires. Nous préconisons, entre autres, la vérification du revenu de l'emprunteur, confirmation à l'appui.»

Pour river le clou à tous ceux qui déplorent l'exploitation des gens financièrement vulnérables, voici la phrase choc de M. Wood:

«À CitiFinancière, nous nous targuons de notre habileté à répondre aux besoins d'une population insuffisamment servie et du taux élevé de satisfaction de notre clientèle.»

Charger un taux de crédit de 57%, ça prend en effet une méchante habileté!