En Hongrie, les ménages ont emprunté massivement en devises étrangères au cours des dernières années. Plus des deux tiers de tous leurs emprunts. On pensait ainsi économiser sur les intérêts, on est plutôt au bord de l'asphyxie.

La Hongrie, la Lituanie et d'autres petits pays d'Europe de l'Est ne sont généralement pas au coeur des préoccupations des Nord-Américains. Mais ce qui se produit là-bas, ces jours-ci, peut servir de leçon pour tout le monde.

Une crise financière et économique menace la région, la Hongrie au premier chef, essentiellement à cause des actions irresponsables des banques et d'une certaine ignorance populaire.

Les ménages hongrois en savent maintenant quelque chose. Endettés lourdement en monnaie étrangère, surtout en francs suisses, ils se rapprochent du gouffre financier chaque fois que la devise helvète s'apprécie face à leur monnaie, le forint.

Ce qui est actuellement le cas, puisque le forint a touché la semaine dernière des creux historiques face au franc suisse. Cela pose un problème dans la mesure où ces ménages ne sont pas couverts contre les fluctuations de change.

Or, depuis 2008, le forint a plongé de plus de 35% par rapport au franc suisse.

La devise helvète est une monnaie refuge, avec le billet vert américain et le yen japonais, à laquelle s'agrippent les investisseurs en ces temps d'incertitude. Le «FS» a donc considérablement grimpé cette année -une bonne nouvelle pour les Suisses qui voyagent ou qui s'achètent des villas à l'étranger, mais un cauchemar pour les Hongrois.

Imaginez: il faut rembourser ses dettes en francs suisses, mais à partir de ses revenus uniquement en forints. Résultat: les Hongrois ne peuvent plus payer la note. Plus de 2 millions de prêts étaient «en retard» l'hiver dernier en Hongrie, dont environ 100 000 hypothèques, selon la banque centrale.

En espérant profiter des taux d'intérêt moindres sur les prêts en devises étrangères, allègrement concoctés par les banques locales, des millions de consommateurs ont fait ces emprunts pour acheter aussi des voitures et des appareils ménagers, dénoncent des organismes d'entraide dans les médias européens.

La Lituanie et la Roumaine sont aussi aux prises avec un problème similaire.

Proportions gigantesques

Mais le phénomène a atteint en Hongrie des proportions gigantesques, presque ridicules, sans que les banques ou le gouvernement ne sonnent l'alarme avant qu'il ne soit trop tard.

Si bien que 69% des emprunts des consommateurs (7300 milliards de forints) sont aujourd'hui libellés en devises étrangères. De cette somme, 82% sont en francs suisses, selon des données gouvernementales compilées par Bloomberg.

Pourtant, avec tout le respect que l'on doit à nos amis hongrois, le forint n'est pas exactement un monument de stabilité sur le marché des changes. Tout le monde aurait dû le savoir.

«La chute continue du forint contre le franc (suisse) menace la stabilité financière et les victimes principales pourraient être les ménages», affirme Luis Costa, stratège des marchés émergents à Citigroup.

À la fin du mois de juillet, les propriétaires hongrois avaient contracté pour 2380 milliards de forints d'hypothèques libellées en francs suisses. C'est presque 20 fois plus qu'il y a 5 ans.

Les banques locales, qui ont profité de la manne du crédit avant la crise financière, risquent toutefois d'écoper par ricochet.

Le crédit à risque dans les institutions financières, comme OTP Bak Nyrt et Erste Group Bak Ag, représenterait 10% du portefeuille de prêts d'ici à la fin de 2010, contre 7,8% au début de 2009, selon l'association des banques hongroises.

Ce dérapage menace l'économie, sans compter que des banques auront besoin de capital additionnel pour s'en sortir, a dit un porte-parole du secteur banquier dans une récente entrevue.

La Hongrie, maillon économiquement faible de l'Europe de l'Est, se serait bien passée de cela. Ce petit pays de 10 millions d'habitants, dont le gouvernement est lourdement endetté, en arrache avec un taux de chômage frôlant les 12% et une reprise qui se fait attendre.

À la fin de 2008, au pire de la crise financière, la Hongrie a reçu une aide de 20 milliards d'euros du Fonds monétaire international (FMI). L'une des conditions: les banques devaient cesser les prêts en devises étrangères. Mais le mal est fait.

Entre-temps, le gouvernement a dû imposer un moratoire sur la saisie des maisons pour prévenir l'hécatombe immobilière. Les banques, pour leur part, tentent de restructurer leur portefeuille de prêts. Et tout le monde se croise les doigts.

En juillet dernier, le président de la banque centrale hongroise, Andras Simor, a fait ce mea-culpa lors d'un colloque à Budapest: «On aurait dû crier fort, beaucoup plus fort» pour prévenir la population, a-t-il dit. En effet, monsieur le banquier.

Pas moins de 69% des emprunts des Hongrois sont libellés en devises étrangères. De cette somme, 82% sont en francs suisses.