Forte d'une main-d'oeuvre jeune qui dépassera celle, vieillissante, de la Chine d'ici 10 à 15 ans, l'Inde peut aspirer à devenir la prochaine usine de la planète.

Les japonais Honda et Nissan, les français Michelin et Renault, l'italien Piaggio... Rarement une semaine s'écoule, depuis quelque temps, sans qu'un constructeur/fournisseur de l'industrie automobile ne s'installe en Inde ou n'annonce la construction d'une nouvelle usine.

Ils y vont pour profiter de l'armée grandissante d'automobilistes dans ce pays de 1,1 milliard d'habitants. Certes. Mais les géants de l'auto sont aussi attirés par d'autres choses que le marché domestique indien.

D'abord, la troisième économie asiatique a beaucoup de travailleurs compétents, c'est bien connu, surtout dans l'industrie des services informatiques où elle est à la pointe mondiale. Or, la main-d'oeuvre indienne est aussi abondante, anglophone souvent, bon marché et - surtout - elle est jeune.

La jeunesse, c'est de l'or pour les fabricants occidentaux, qui voient la force ouvrière vieillir dans leur pays d'origine.

Trois sur dix

Au plan démographique, peu de pays peuvent rivaliser avec l'Inde. C'est nulle autre que l'Organisation internationale du travail (OIT) qui le dit, dans une récente étude.

D'ici 2020, environ 30% des arrivants sur le marché mondial du travail seront indiens, prédit l'OIT. Trois nouveaux travailleurs sur dix, à l'échelle de la planète!

Quelque 80 millions de jeunes gonfleront ainsi les rangs de la population en âge de travailler en Inde à mesure que les campagnes se vident et que le pays s'industrialise. Un peu plus de la moitié (45 millions) se joindra au secteur des services, selon l'OIT. Les autres frapperont à la porte des usines dans l'espoir de dénicher un boulot.

La firme Goldman Sachs voit la même chose dans sa boule de cristal, ajoutant que les prévisions de l'OIT sont peut-être conservatrices si l'on tient compte de l'arrivée des femmes sur le marché du travail.

Car à 33% actuellement, le taux d'activité féminin en Inde reste l'un des plus faibles d'Asie. Tandis que l'économie locale repose aujourd'hui sur une main-d'oeuvre essentiellement masculine, tout indique que les choses sont en train de changer, dit Goldman Sachs dans une étude.

Le taux d'alphabétisation des femmes, par exemple, progresse rapidement en Inde, étant passé de 38% à 52% de 2000 à 2007. De plus, une nouvelle loi, garantissant le droit à l'éducation pour tous, est entrée en vigueur le 1er avril. Elle devrait donc favoriser les filles.

La Chine vieillit

Pendant ce temps, le grand rival de l'Inde vieillit. Rapidement.

Aujourd'hui, 176 millions de Chinois - ou près de 13% de la population - ont plus de 60 ans, selon des chercheurs américains et européens.

Or, en 2020, la Chine comptera 248 millions d'habitants de plus de 60 ans, conséquence de la politique de l'enfant unique implantée en 1979. Les «têtes grises» représenteront alors 17% de la population, et en 2050 environ 24% - ou près d'un Chinois sur quatre, estime le Center for Strategic and International Studies, à Washington.

En comparaison, moins de 6% de la population en Inde a plus 60 ans. Sur le plan démographique, les Indiens ont donc un avantage énorme sur les Chinois.

Pour le moment, la Chine est sans contredit la locomotive de l'économie mondiale. Mais la machine chinoise prend de l'âge et risque de ralentir avec le temps.

Si bien que, d'ici 2015, l'Inde afficherait la plus forte croissance économique parmi tous les grands pays, surpassant même à ce chapitre la comète chinoise, prédit la firme Morgan Stanley. D'ici deux ans, l'économie indienne pourrait même croître au même rythme que celle de la Chine, avance l'économiste Chetan Ahya, dans une entrevue avec Bloomberg.

Investissements en R&D et en infrastructures, consommation croissante et une main-d'oeuvre jeune et compétente seront les moteurs de la croissance indienne dans l'avenir, soutiennent les experts de Morgan Stanley.

Le monde des affaires semble d'ailleurs y croire: selon les derniers chiffres disponibles, les investissements étrangers en Inde ont doublé depuis un an. Et ils devraient surpasser cette année le record (17 milliards US) atteint avant la crise financière, d'après des analystes.

«India means business», disait récemment un analyste à Wall Street. L'industrie automobile est certainement d'accord avec cela.