La Banque asiatique de développement révise à la hausse ses perspectives économiques pour l'Asie cette année. Hormis la Chine, les champions de la croissance sont les petits tigres de la région, dont Singapour, Taiwan et le Vietnam.

Besoin d'un emploi? La chaleur et le choc des cultures ne vous effraient pas? Donc il faudrait peut-être regarder du côté de Singapour.

Le premier ministre de cette cité-État, guère plus grande que les îles de Montréal et Laval réunies, vient de lancer cette invitation: Singapour aura besoin d'au moins 100 000 travailleurs étrangers supplémentaires cette année pour répondre au très fort rebond de son économie, a indiqué Lee Hsien Loong.

Environ le tiers des 5 millions d'habitants du pays sont déjà des étrangers, arrivés notamment durant le boom des années 2004-2007. Mais on en veut plus.

«Si nous n'ouvrons pas la porte aux travailleurs étrangers, nous risquons la surchauffe», a déclaré M. Lee, en visite récemment aux États-Unis. Et quelle surchauffe!

La semaine dernière, le monde a appris avec envie que l'économie singapourienne a progressé de 18,1% durant la première moitié de 2010. Du jamais vu depuis qu'on a commencé à compiler ces données, en 1975.

L'arrivée record de touristes, qui profite notamment au transporteur Singapour Airlines et aux deux nouveaux casinos du coin, mais aussi les exportations vers le reste de l'Asie et un boom immobilier alimentent cette croissance spectaculaire. Dans cette frénésie, le prix des logements dans l'île principale a bondi de 38% en un an.

Si bien que des économistes croient que l'État doit réévaluer à la hausse le dollar singapourien pour calmer le jeu. Cet appel à la modération témoigne de ce qui se passe dans la région asiatique, alors que les autorités à Taiwan, en Malaisie et en Thaïlande ont récemment amorcé une remontée des taux d'intérêt afin de ralentir l'économie qui roule à tombeau ouvert.

Plages désertes, usines occupées

La Thaïlande est un bel exemple de l'impact de la Chine sur l'ensemble des économies asiatiques.

Depuis le soulèvement des «chemises rouges» au printemps contre le gouvernement actuel, qui a fait des dizaines de morts, les plages thaïlandaises sont peu fréquentées, voire désertes, rapportent des médias britanniques.

Mais la frilosité des touristes touche peu l'économie. Le PIB thaïlandais progressera de 7 à 8% cette année, avance le FMI (Fonds monétaire international), à la faveur d'un bond de 25 à 30% des exportations.

«L'économie de la Thaïlande a démontré une résilience remarquable aux chocs de la dernière année», a indiqué un responsable du FMI la semaine dernière.

Le puissant train chinois arrive à remorquer presque tous ses partenaires asiatiques, y compris Taiwan.

La petite île montagneuse, plus petite que la Suisse, vient de signer avec Pékin un accord historique de coopération économique, qui réduira les taxes douanières et facilitera les échanges à travers le détroit de Formose.

La Chine considère toujours Taiwan comme une province «rebelle», si bien que 1500 missiles chinois pointent toujours vers ce petit pays démocratique. Mais les intérêts économiques ont maintenant le dessus sur la politique: le nouvel accord commercial, signé à la fin du mois de juin, gonflera la croissance taiwanaise de 4,5% par an d'ici 2020, soutient Taipei.

Au premier trimestre, l'économie de l'île a crû de 13,3% - un sommet en 30 ans - grâce surtout aux exportations vers la Chine de composants électroniques - une spécialité de Taiwan.

Le monde a aussi à l'oeil l'Indonésie et le Vietnam - «les deux nouvelles vedettes de la région derrière la Chine et l'Inde», a récemment souligné le président de la banque britannique HSBC, Stephen Green. Là aussi, on parle d'une croissance de plus de 10%. Bref, ça roule vite en Asie.

De plus, la Banque asiatique de développement (BAD) vient d'accroître ses prévisions pour 14 pays d'Asie, tout en souhaitant le retrait graduel des mesures de relance prises durant la dernière crise financière.

La croissance en Asie atteindra 8,1% en 2010 contre 7,7% prévus auparavant, a indiqué l'ADB dans son dernier rapport. La surchauffe économique et l'inflation sont donc les principales menaces dans la région, et non la crise européenne, jugent maintenant les experts.

«En dépit des incertitudes liées à la crise de la dette en Europe, la forte reprise de l'Asie de l'Est émergente est solidement installée», a indiqué la BAD.

C'est une bonne nouvelle pour la région, l'économie mondiale... et ceux qui se préparent à envoyer leur C.V. à Singapour.