Vous avez peut-être lu, dans les pages Forum de La Presse d'hier, le très intéressant texte du journaliste Luc Chartrand.

Le maire de l'arrondissement de Plateau-Mont-Royal, Luc Ferrandez, a annoncé de nouvelles mesures vexatoires pour décourager les automobilistes de circuler dans les rues du Plateau. Cela améliorerait la qualité de vie des résidants. Les automobilistes étant considérés comme des pestiférés par les temps qui courent, on pourrait penser qu'il s'agit là d'une mesure progressiste.

Or, M. Chartrand montre bien que c'est tout le contraire. Certes, certains idéologues peuvent croire que les automobilistes frustrés vont abandonner leurs véhicules au profit des transports en commun. C'est rêver en couleur. Ils seront toujours aussi nombreux à se déplacer en voiture, mais puisque ce ne sera plus faisable sur le Plateau, ils iront encombrer les rues des quartiers voisins, c'est aussi simple que cela.

«Ce qui est pathétique», conclut M. Chartrand, «c'est que l'on tente de présenter comme une mesure d'urbanisme éclairé ce qui n'est rien d'autre qu'une stratégie d'accaparement territorial d'un quartier central par des nantis et ce, au détriment de l'intérêt général de la Cité.» Brillant!

L'animateur radio Paul Arcand a l'habitude de terminer son émission matinale par une période de tribune téléphonique. Hier, il s'est justement inspiré du texte de M. Chartrand pour demander à ses auditeurs ce qu'ils en pensaient. Unanimement, ils ont profité de l'occasion pour exprimer leur colère. Et ça sortait dru! Pas un, pas un seul ne s'est porté à la défense de M. Ferrandez.

Mais derrière ces cris de frustration se profilent clairement des changements d'attitudes qui risquent de nuire considérablement à l'économie montréalaise. Les petits commerçants, qui paient leurs taxes à Montréal, seront les premiers à pâtir.

Laissons parler les gens:

> Un Lavallois reconnaît qu'il y a quelques années, pour sortir au restaurant, aller au cinéma, se divertir, il fallait aller à Montréal. Ce n'est plus vrai maintenant. Laval offre d'excellentes possibilités de faire tout cela sur place, sans être obligés de faire des heures en voiture et de se casser la tête pour trouver du stationnement. La plupart des municipalités de banlieue offrent les mêmes services. Si elles le font, c'est que les gens ont tout simplement perdu le goût de sortir en ville. Trop long, trop dur. Autant d'argent perdu pour Montréal.

> Un homme qui travaille et réside sur la Rive-Sud s'est vu offrir un meilleur emploi, représentant pour lui une importante hausse de revenus de 35%. Avant d'accepter, il a calculé qu'il lui faudrait se taper au minimum neuf heures de lourd trafic par semaine pour aller à son travail, à Côte-des-Neiges, et en revenir. Il a refusé l'emploi, juste pour cette raison.

> Un autre résidant de la Rive-Sud raconte qu'il est moins long et plus facile, pour lui, de se rendre à l'aéroport de Plattsburgh qu'à Dorval: pas de bouchons, formalités plus faciles à la douane, stationnement gratuit et sans problèmes (et billets d'avion moins chers). Chaque fois qu'il le peut, il décolle de Plattsburgh. Encore de l'argent perdu pour Montréal.

> Une résidante de Saint-Jean-sur-Richelieu trouve plus rapide, plus pratique, plus commode, plus plaisant et moins cher de faire son magasinage et ses sorties au restaurant à Burlington plutôt qu'à Montréal, surtout avec un dollar pratiquement au pair.

> Un résidant de Montréal évite scrupuleusement les sorties là où il y a des parcomètres; une politique aussi folle qu'irresponsable interdit aux automobilistes de payer plus de deux heures à la fois à un parcomètre. Très pratique pour aller au concert ou pour se payer une soirée romantique au resto! Et les transports en commun sont loin d'offrir une bonne solution de rechange.

> Et en voici une des meilleures: un résidant d'Outremont n'en peut plus, le samedi, de faire ses courses à Montréal, principalement à cause des problèmes de stationnement. Alors, il va faire ses courses... au DIX30, à Brossard!

La liste peut s'allonger sur toute cette page.

Certes, une tribune téléphonique n'a pas de valeur scientifique. Mais ces témoignages sont suffisamment nombreux, éloquents et spontanés pour conclure qu'il y a un grave problème. Montréal, avec son obsession antiautomobilistes, est en train de se tirer dans le pied.