Les entreprises du Japon et des États-Unis se portent de mieux en mieux. Mais, au lieu de réinvestir leurs profits, elles accumulent des liquidités. La confiance n'est toujours pas là.

Les économistes ont beau parler d'embellie dans plusieurs pays. Sans compter que les ventes et les profits des sociétés augmentent sensiblement. Pourtant, beaucoup d'entreprises ont toujours peur de dépenser.

Aux États-Unis et au Japon, les deux plus grandes économies de la planète, la propension à épargner des sociétés est particulièrement troublante, indiquant que les gens d'affaires ont peu confiance dans la reprise mondiale.

Selon un nouveau rapport de la Réserve fédérale (Fed), les sociétés américaines avaient accumulé une somme record de «liquidités» (argent et titres encaissables à court terme) à la fin du mois de mars, soit 1840 milliards US.

Cela représente une hausse de 26% en un an et un sommet depuis que la Fed a commencé à compiler ces données en 1952.

Le bilan des entreprises américaines s'en trouve même déséquilibré, la part des liquidités par rapport à l'actif ayant atteint 7% à la fin du premier trimestre. À Wall Street, on n'avait pas vu ça depuis 1963.

«L'argent est roi («cash is king») en période d'incertitude», indique le Crédit Suisse dans une note économique.

Le portrait est sensiblement le même au Japon, où le penchant économe du secteur privé apporte peu d'eau au moulin du pays, qui peine à sortir d'une longue récession.

Les sociétés nipponnes détenaient également une somme record de «cash» à la fin du premier trimestre, l'équivalent de 2300 milliards CAN, selon des données publiées jeudi.

Le fait que les sociétés américaines et japonaises jouent ainsi à la fourmi, accumulant des réserves pour les temps difficiles, n'est certes pas une bonne nouvelle pour l'investissement ou la création d'emplois.

Glenn Macguire, économiste en chef de la Société Générale, explique que les chefs d'entreprise resteront aussi pingres tant qu'ils n'auront pas la certitude que la demande pour leurs produits va continuer de croître.

La frilosité des entreprises touche même leur volonté de prendre des risques.

Au début de l'année, des experts s'attendaient à un rebond des opérations de fusion-acquisition aux États-Unis, mais non. La valeur des mariages entre entreprises est restée quasi inchangée durant les cinq premiers mois de 2010.

Après avoir chuté de 41% en 2008 puis de 22% en 2009, le total des transactions annoncées aux États-Unis en 2010 s'élève pour le moment à 322 milliards US, 1% de moins qu'en 2009.

Pourtant, plusieurs analystes reconnaissent que les conditions actuelles sont plutôt bonnes pour acheter un concurrent en difficulté ou une entreprise dont la valeur boursière a chuté.

La confiance reste donc fragile dans les milieux d'affaires internationaux.

Le choc causé par la crise financière américaine, la faible création d'emplois - dont les entreprises sont les grandes responsables - et la crise des dettes publiques européennes entretiennent une grande inquiétude.

Depuis l'éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis, beaucoup d'entreprises ont sabré leurs effectifs et réduit leurs investissements pour garder la tête hors de l'eau. Mais, même si la crise financière est derrière nous, on hésite à s'engager dans des projets de croissance le moindrement audacieux.

Phénomène passager

La bonne nouvelle, cependant, c'est que le monde des affaires ne pourra demeurer ainsi figé pour bien longtemps.

Les milliards que les entreprises conservent dans leurs coffres rapportent peu, surtout au niveau actuel des taux d'intérêt. Qui plus est, les actionnaires s'attendent à ce que les dirigeants prennent des risques afin de générer des rendements intéressants.

D'ailleurs, un récent sondage de la publication financière CFP Magazine indique que les entreprises américaines aimeraient augmenter leurs investissements de 9% au cours de la prochaine année. Cela se compare à la hausse de 1,5% prévue en décembre.

Elles en ont certainement les moyens: les liquidités des sociétés du S&P 500, l'indice repère de la Bourse américaine, ont augmenté de plus de 30% en 2009 pour atteindre près de 1000 milliards US; et les réserves en «liquide» des géants japonais Sony et Honda, par exemple, ont bondi de 80% et de 62% respectivement en un an, selon leurs derniers rapports trimestriels.

Il faudra bien mettre tout cet argent au travail, tôt ou tard. Il reste à savoir ce qui incitera les entreprises à passer à l'action.