L'Institut de la statistique du Québec (ISQ) a publié hier une série de données qui donnent froid dans le dos. Le document fournit, pour chaque année entre 1986 et 2009, le pourcentage des hausses salariales réelles. Il en ressort que l'inflation a grugé pratiquement tous les gains des travailleurs.

Mettons qu'en 1986, il y a pratiquement un quart de siècle de cela, vous gagniez un salaire de 25 000$. Si ce salaire a augmenté au même rythme que la croissance salariale des travailleurs syndiqués québécois, il se chiffrait à 45 055$ en 2009.

Vous êtes loin d'être deux fois plus riche pour autant.

Pour avoir une idée plus juste de la situation, il faut tenir compte de l'indice des prix à la consommation. Ainsi, si vous obtenez une hausse salariale de 2%, mais que l'inflation est de 3%, votre pouvoir d'achat diminue et vous vous appauvrissez en termes réels.

Vos 45 055$ de 2009 ne valent plus, en réalité, que 25 505$. L'aspect réconfortant (si on peut dire) de cette nouvelle, c'est que vous avez conservé votre pouvoir d'achat intact. L'aspect le plus triste, c'est qu'en termes réels, vous vous êtes enrichi en moyenne de 10$ par semaine en 23 ans. Ce n'est pas très encourageant.

Évidemment, ce scénario suppose que vous n'avez jamais obtenu de promotion ou de meilleur emploi pendant toute cette période. N'empêche: pour des milliers de travailleurs québécois, la progression se fait à pas de tortue.

Il existe par ailleurs une différence sensible entre le secteur privé et le secteur public.

Ainsi, si vous êtes un employé de l'État québécois, votre salaire de 25 000$ en 1986 vaut 42 788$ en 2009. C'est un peu moins que l'ensemble des salariés. Mais, en tenant compte de l'inflation, ce montant ne vaut plus que 24 665$. Autrement dit, en termes réels, vous gagnez moins d'argent qu'il y a 23 ans. Ces chiffres concernent la fonction publique proprement dite, ainsi que les employés des réseaux de l'éducation et de la santé. Ils excluent ceux des sociétés d'État comme Hydro-Québec ou la Société des alcools, qui s'en tirent à peine mieux avec 24 793$. En revanche, les fonctionnaires fédéraux (25 405$) et les employés municipaux (25 503$) sont très proches de la moyenne québécoise.

Ces montants camouflent les variations salariales parfois brutales. Un cas assez spectaculaire est celui des fonctionnaires fédéraux, durement touchés par les compressions introduites dans les années 90 pour venir à bout du déficit. Ainsi, toujours en partant d'un salaire de 25 000$ en 1986, le salaire d'un fonctionnaire fédéral était tombé 10 ans plus tard à 23 070$.

Les travailleurs du secteur privé sont plus chanceux. En termes réels, leur salaire passe de 25 000$ à 27 455$. C'est donc dire que leur pouvoir d'achat s'est sensiblement amélioré.

Il faut cependant prendre ce chiffre avec de longues pincettes. L'enquête de l'ISQ ne couvre que les travailleurs syndiqués. Dans la fonction publique, le taux de couverture syndicale atteint 81%. On peut certainement penser que les chiffres concernant le secteur public reflètent bien la réalité. Mais, dans le secteur privé, seulement 26% des travailleurs sont syndiqués. L'enquête ne nous dit donc rien sur les 74% qui restent, c'est-à-dire les centaines de milliers d'employés dans les petites et moyennes entreprises non syndiquées, dans les dépanneurs, dans la restauration, l'hôtellerie, les services personnels, sans compter les travailleurs autonomes et les cadres.

Il est difficile de dire si les travailleurs québécois s'en tirent mieux, ou moins bien, que leurs collègues ailleurs au Canada. La recherche de l'ISQ est basée en grande partie sur l'approche du défunt Institut de recherche et d'information sur la rémunération (absorbé par l'ISQ il y a quelques années), et dont le mandat était de dresser des comparaisons entre les employés de l'État québécois et les autres travailleurs occupant des emplois similaires. Il n'existe aucun outil comparable dans les autres provinces.

En revanche, il est clair que les hausses salariales, pour toutes les catégories de travailleurs, sont largement grugées par l'inflation. Toujours pour la période de 1986 à 2009, l'augmentation du salaire horaire moyen au Canada a été de 87%. En même temps, la hausse des prix à la consommation a été de 75%. En termes réels, cela n'en laisse pas beaucoup plus dans les poches des consommateurs. Ces données, insistons là-dessus, ne servent qu'à illustrer l'effet de l'inflation sur les salaires, et ne peuvent donc pas être comparées aux chiffres de l'ISQ.

 

LES QUÉBÉCOIS S'ENRICHISSENT PEU... OU PAS DU TOUT

Évolution en termes réels d'un salaire de 25 000$, en tenant compte de l'inflation

1986

25 000$

2009

SECTEUR PRIVÉ: 27 455$

SECTEUR PUBLIC: 24 665$