Terrassé en 2009 par sa pire récession en 60 ans, le Japon se relève. Enfin. Car la deuxième économie mondiale, aussi la plus endettée des pays développés, a une énorme côte à remonter.

La Chine, meilleur ami du Japon? Sur le plan politique, c'est presque impensable, les guerres du passé ayant laissé des blessures profondes chez les deux anciens ennemis.

Mais d'un point de vue commercial, des gens d'affaires de Tokyo vous diront que les Chinois sont en train d'extraire leur pays d'un gouffre économique, exploit que l'État japonais a été incapable de réaliser en 20 ans d'efforts.

Contre toute attente, la croissance de l'économie japonaise a été révisée à la hausse la semaine dernière, laissant croire que, finalement, la deuxième économie mondiale est sur la voie d'une reprise durable.

Le produit intérieur brut (PIB) du Japon au premier trimestre 2010 a crû de 5,0% en rythme annualisé au lieu du taux de 4,9% annoncé initialement. Une surprise pour les économistes, qui tablaient sur une révision à la baisse, à 4,0%.

Le Japon enregistre donc un quatrième trimestre d'affilée de croissance, après sa pire récession de l'après-guerre qui a suivi la crise financière américaine. Son économie avait chuté de 5,2% sur l'ensemble de 2009.

La Chine achète

Comme on pouvait s'y attendre, les exportations ont été le principal moteur de l'économie nippone au début de l'année, progressant de 6,9% en un trimestre. Les ventes des Sony, Toyota et autres géants japonais ont été tirées par les vigoureux achats des pays émergents, surtout la Chine.

Soulagement, donc, car on craignait que la demande américaine incertaine et la crise européenne ne freinent les exportations. Grâce à la Chine, «le Japon va probablement maintenir une croissance supérieure à son potentiel», affirme Citigroup dans une note économique.

La banque américaine se réjouit aussi du regain de vie du consommateur japonais, les ventes de détail ayant augmenté de 0,4% d'un trimestre à l'autre.

Jusque-là, la consommation japonaise était en panne, et ce, malgré les milliards investis par l'État pour inciter le renouvellement d'électroménagers et l'achat de voitures «propres». Cette morosité était en partie liée à la déflation - un mal persistant au pays du Soleil-Levant - qui décourage les ménages de consommer et les entreprises d'investir.

Or, la baisse des prix tend à s'atténuer. En mai, les prix de gros ont augmenté sur un an, de 0,4%, pour la première fois en 17 mois. Bref, l'espoir renaît.

Des maux profonds

Autant de bonnes nouvelles pour le nouveau gouvernement japonais, qui prend les commandes d'un pays toujours accablé par des maux profonds.

Naoto Kan, ancien militant de gauche devenu faucon de la rigueur budgétaire, a été élu premier ministre au début du mois de juin par le Parlement, en remplacement d'un Yukio Hatoyama démissionnaire après moins de neuf petits mois au pouvoir.

Sur le plan des finances de l'État, M. Kan doit remonter une côte digne du mont Fuji. Le Japon a une dette publique colossale, équivalente à plus de 200% de son économie - le niveau le plus élevé des pays développés.

Mince consolation, plus de 90% des créances de l'archipel sont détenues par les Japonais eux-mêmes, ce qui réduit les risques. Mais la situation reste préoccupante: pour boucler son budget cette année, Tokyo a dû émettre des obligations pour une somme supérieure à celle de ses recettes fiscales.

Qui plus est, le vieillissement de la population et le désabusement des jeunes minent l'avenir du pays. «Les jeunes ne trouvent pas de travail. Ce n'est pas un phénomène naturel. C'est la faute de politiques erronées», a déploré récemment M. Kan.

D'ailleurs, les 15 à 35 ans, qui représentent 23% de la population, ont vu leur part de la consommation passer de 18,6% en 2000 à 15,5% en 2009. Le problème? La baisse régulière des salaires, la dégradation de l'emploi et, plus inquiétant encore, une perte de confiance dans l'avenir, selon diverses études.

M. Kan a promis de s'attaquer au problème du vieillissement, notamment en instaurant une allocation (de 300$CAN par mois environ) pour chaque enfant jusqu'à sa sortie du secondaire. Mais le leader nippon devra concilier cette promesse électorale coûteuse avec son engagement à réduire la dette.

Une grosse commande, donc, que des experts jugent très difficile à remplir. Heureusement, le Japon a encore des atouts: une vaste base industrielle, des technologies de pointe et surtout.... de nouveaux amis chinois.