À quelques semaines du sommet du G20 à Toronto, le premier ministre Stephen Harper a beaucoup fait parler de lui en faisant campagne contre une éventuelle taxe internationale sur les institutions financières. On le comprend: d'un point de vue canadien, ce projet est absurde parce qu'il punit les banques canadiennes (et, par ricochet, leurs clients) pour des péchés qu'elles n'ont pas commis. Le Canada n'est d'ailleurs pas le seul pays dans cette situation.

Mais il est un autre dossier, qui a reçu moins d'attention médiatique, où M. Harper fait tout ce qu'il peut pour convaincre ses collègues: il s'agit de l'urgence, pour tous les pays industrialisés, d'assainir leurs finances publiques. C'est certainement moins spectaculaire que l'idée de taxer les banques, mais autrement plus important.

Pourtant, sous le gouvernement Harper, on a vu les finances publiques se détériorer de façon importante. Lorsqu'ils ont été élus pour la première fois en 2006, les conservateurs ont hérité d'une situation financière en excellente santé. Depuis 1998, année après année, Ottawa dégageait de solides surplus. Non seulement ces surplus ont-ils été pulvérisés, mais le ministre Jim Flaherty a renoué avec le cercle vicieux des déficits et de l'endettement: déficit de 49 milliards l'an dernier, de 54 milliards cette année selon les prévisions.

Ce n'est pas tout.

Plusieurs provinces canadiennes ont augmenté leurs dépenses d'une façon qui frise l'irresponsabilité. L'Ontario mène le bal, avec des hausses de dépenses de 22% en deux ans seulement. La province a déclaré un déficit record de 20 milliards l'an dernier, et s'attend à un autre de 21 milliards cette année. Au total, les provinces canadiennes subissent un déficit combiné de 32 milliards l'an dernier, 35 milliards cette année.

Le Canada est le pays le plus décentralisé du G20. Ainsi, un État américain comme la Virginie, dont la population est comparable à celle du Québec, assume une dette publique de 22 milliards; c'est 10 fois moins que la dette du Québec. Ce n'est pas parce que la Virginie est mieux administrée. C'est parce que les États américains ont beaucoup moins de responsabilités, notamment dans les secteurs hautement coûteux de la santé et de l'éducation. Même chose pour les Länder allemands, les départements français et les préfectures japonaises.

Avec la détérioration rapide des finances publiques canadiennes, au fédéral comme dans les provinces, on peut certainement se demander comment Stephen Harper peut se permettre de donner des leçons aux autres.

Quand on se regarde, on se désole; quand on se compare, on se console, dit la maxime.

C'est exactement ce qui se passe ici. Le Canada a beaucoup mieux traversé la crise économique et financière que les autres pays industrialisés.

Ainsi, le déficit du fédéral, en 2009-2010, représente 3,2% du produit intérieur brut (PIB). À quelques poussières près, cela respecte la norme de 3% établie par Maastricht.

C'est relativement élevé, certes, mais voyons un peu les chiffres correspondants ailleurs.

- Irlande: 14,3%

- Grèce: 13,6%

- Royaume-Uni: 11,5%

- États-Unis et Espagne: 11,2%

- Japon: 8,3%

- Portugal: 9,2%

- France: 7,5%

- Moyenne de la communauté européenne: 6,8%

- Allemagne: 3,3% (mais avec une prévision de 6,0% pour 2010-2011)

Ces chiffres ne concernent que les déficits budgétaires des administrations centrales. Dans le cas du Canada où, comme on vient de le voir, les provinces ont des responsabilités et des pouvoirs de taxation largement supérieurs à ceux des administrations subalternes des autres pays, les déficits combinés du fédéral et des provinces atteint 5,2% du PIB, score qui demeure encore meilleur qu'aux États-Unis, en Europe ou au Japon.

Il y a plus.

Pour avoir une meilleure idée de la situation financière d'un pays, il faut aussi considérer l'ampleur de sa dette publique. À ce chapitre, le Canada est de loin le meilleur élève de la classe. À la fin de 2009, la dette nette de l'ensemble des administrations publiques au Canada se situait à 30% du PIB, entre 80 et 90% en Allemagne, en France, aux États-Unis et au Royaume-Uni, à 127% en Italie et à 143% au Japon.

Si le Canada est en si bonne position, c'est à cause des énormes sacrifices qu'il a demandés à ses citoyens, à ses contribuables en premier lieu, pour se sortir du cul-de-sac financier où il se trouvait au milieu des années 90. Dans ces conditions, il n'y a pas de doute: il est bien placé pour demander aux autres de faire pareil.