Les exportations allemandes montent en flèche. Mercedes, Krups et les autres groupes industriels du pays doivent dire un gros merci aux Asiatiques... et à la crise grecque.

Selon une étude de la banque néerlandaise ABN Amro, une victoire de l'Allemagne à la Coupe du monde du soccer, qui débute le mois prochain en Afrique du Sud, profiterait davantage à l'économie planétaire que si tout autre pays remportait le Saint-Graal du «foot».

Difficile d'évaluer la valeur de cette prédiction économique. Une chose est sûre, cependant, des experts sont prêts à parier un paquet d'euros que les Allemands sortiront les grands gagnants de la crise financière européenne.

L'encre du plan de sauvetage de 1000 milliards auquel s'accroche désormais l'Europe n'est pas encore sèche, mais déjà, les premiers indices des «bienfaits» de la crise grecque se confirment pour l'Allemagne.

Les exportations allemandes, a-t-on appris la semaine dernière, ont bondi en mars à leur rythme le plus rapide en 18 ans, dépassant les prévisions les plus optimistes.

La «machine à exporter» de l'Europe tourne à plein régime, alimentée par un euro affaibli qui rend la machinerie, les voitures et les technologies allemandes presque irrésistibles pour les acheteurs des pays émergents.

Ajustées des variations saisonnières, les exportations de la première économie européenne ont bondi de 10,7% d'un mois sur l'autre à 79 milliards d'euros (100,8 milliards CAN), sa hausse la plus forte depuis juillet 1992, selon la Bundesbank.

Ce résultat est absolument spectaculaire étant donné que les analystes tablaient sur une hausse de 2,6% en moyenne.

Si bien que Simon Junker, économiste à la Commerzbank, croit que la tendance actuelle est «nettement positive» pour l'économie allemande, même si d'autres experts préviennent que les mesures d'austérité budgétaires en Europe freineront la demande sur le Vieux Continent.

Pas cher, l'euro

L'Allemagne revient de loin: au pire de la crise américaine des subprimes, en avril 2009, la production industrielle du pays s'est effondrée de 24%.

L'hiver dernier, lorsque la crise financière made in America était à son apogée, l'Allemagne a même cédé son titre de championne du monde des exportations à la Chine, après avoir été au coude à coude avec elle pendant des années.

Plusieurs ont alors cru que les industriels allemands ne s'en remettraient pas. Or, le plongeon de 14% de l'euro par rapport au dollar américain depuis le début de 2010 s'est avéré un cadeau du ciel.

Ainsi, les produits allemands les plus recherchés - des cafetières espresso Krups jusqu'aux luxueuses BMW - sont maintenant plus abordables pour les nouveaux consommateurs du Brésil ou de la Chine.

Du coup, la confiance des gens d'affaires allemands, malgré la crise grecque, a atteint le mois dernier un sommet en deux ans. Et la production grimpe.

Si bien que Daimler AG, constructeur des voitures Mercedes, vient de mettre fin à son programme de travail à temps réduit dans ses usines. «La demande pour nos produits augmente très favorablement», a commenté récemment le grand patron de Daimler, Diter Zetsche.

Une demande extraordinaire

D'où vient cette nouvelle demande? Certainement pas des Européens ou des Américains, pour la plus grande partie. Sans surprise, l'industrie allemande profite d'une croissance hors de ses marchés traditionnels.

Par exemple, les ventes de Mercedes ont plus que doublé en Chine au premier trimestre. Krups, BMW et Volkswagen rapportent aussi de grands gains sur les marchés émergents.

Et ce n'est pas fini. La Banque asiatique de développement prévoit que la demande intérieure des pays de la région va croître de près de 8% cette année, plus de deux fois ce qu'on prévoit en Occident.

Les changements des moeurs en Asie sont particulièrement marquants en Chine: la consommation chinoise a augmenté de 180 milliards US en 2009, le double de la hausse observée aux États-Unis (90 milliards US), selon la banque DBS, de Singapour.

David Carbon, économiste chez DBS qui est établi en Asie, soutient dans une étude que l'accroissement de la demande asiatique constitue un changement durable. «Des analystes disent que l'Asie ne consomme pas assez, mais c'est tout le contraire. C'est une vraie tornade d'achats qu'on a ici», affirme M. Carbon.

Dans l'ambiance morose qui prévaut en Europe ces jours-ci, ces propos résonneront comme une douce musique aux oreilles des exportateurs allemands. Il en va de même pour les industriels français ou italiens.

Car l'espoir pour une Europe en crise, il est là: un euro faible... et beaucoup de monde dans les magasins de Shanghai et de São Paulo.