À la suite de ma chronique «Un médecin de famille pour 499$», la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ) et le Collège des médecins ont décidé d'enquêter sur les dessous de cette super offre de MedSync.

La grande question en cette période de pénurie de 1200 médecins de famille dans le réseau public de la santé au Québec: au-delà de la légalité ou pas, est-il moralement acceptable de promettre l'obtention d'un médecin de famille aux gens qui consentent à verser 499$ pour un bilan de santé?

Un rappel des faits. Par l'entremise d'une vaste opération de télémarketing, le personnel de la clinique MedSync sollicite par téléphone des clients en leur disant qu'ils obtiendront un médecin de famille s'ils confient leur bilan de santé à MedSync, moyennent le versement de 499$ pour les analyses (sang, urine, biochimie, etc.) menées par leur laboratoire privé. Et on invite les clients à se faire rembourser les 499$ par leur assurance santé privée.

Une précision s'impose. On ne parle pas ici d'une clinique médicale totalement privée, dont les médecins se sont désengagés de la RAMQ. Les médecins de famille qui travaillent dans les cliniques de MedSync sont payés à même la RAMQ, soit le système public de santé. Autre précision: on ne parle pas ici d'analyses de laboratoire effectuées à la suite d'un problème de santé diagnostiqué par le médecin. On fait allusion à une batterie d'analyses commandée et effectuée préalablement à un examen médical annuel à des fins de bilan de santé.

Dans une lettre adressée à la RAMQ au sujet d'une opération similaire de télémarketing menée en 2007, l'ancien ministre de la Santé, Philippe Couillard, avait écrit: «Vous comprendrez aisément que, dans un système de santé qui se veut ouvert à l'ensemble de la population sans égard à la capacité de payer des patients, il serait intolérable que l'on fasse dépendre l'accès à un médecin de l'obligation pour ces patients de fournir un bien ou un service quelconque moyennant finances.»

Mises à part les enquêtes menées par la RAMQ et le Collège des médecins, la stratégie de télémarketing de MedSync soulève une autre interrogation majeure, portant cette fois sur le remboursement des frais d'analyses de laboratoire de 499$ par les assureurs privés.

«Pour fin de vérification auprès de votre assureur, mentionne MedSync, veuillez leur mentionner que vous avez une prescription d'un médecin public avec diagnostic pour fin d'analyse en laboratoire privée.»

À la lumière des commentaires que j'ai reçus à la suite de ma chronique de la semaine dernière, des clients se sont fait refuser le remboursement de tels frais d'analyse de laboratoire à des fins de bilan de santé annuel. Ils en ont été quittes pour payer de leur poche lesdits frais d'analyse.

Le superviseur de l'unité antifraude d'une grande compagnie d'assurances (celle-ci requiert l'anonymat) m'a écrit pour mettre les lecteurs en garde contre la difficulté de se faire rembourser les frais d'analyse de laboratoire à des fins de bilan de santé. Il souligne que les compagnies d'assurances collectives (c'est prévu au contrat, dit-il) ne remboursent habituellement que les tests diagnostics requis «suite à une maladie ou un accident», et non les tests dits préventifs de type bilan de santé.

En terminant, voici le témoignage de Jean-Pierre.

«Je suis médecin de famille. J'ai reçu un appel de MedSync il y a un an ou deux pour m'offrir leurs services (alors qu'ils ignoraient que j'étais médecin). Je suis outré par le principe et par le procédé. Dans le contexte actuel de pénurie, il me semble tout à fait injuste de donner un accès privilégié, à condition de payer un bilan de santé au privé, à un médecin dont les honoraires sont réglés par les contribuables...»

Un os de moins pour Charest

Après s'être fait tirer l'oreille, le gouvernement Charest vient de donner le feu vert à la «mise sur patte» du programme d'aide financière (400 000$ par année) destiné à aider quelque 300 personnes handicapées à payer les frais annuels d'entretien de leurs chiens d'assistance.

Après avoir été autorisé par l'ancien ministre Philippe Couillard, le gouvernement Charest avait décidé, à l'automne 2009, sous d'obscures raisons financières, de reporter aux calendes grecques l'entrée en vigueur de ce minuscule programme d'aide financière. À la suite des revendications des dirigeants de la Fondation Mira et d'Ex Aequo, deux des organismes voués à la défense des personnes handicapées, j'avais dénoncé cette décision gouvernementale.

Et l'affaire avait rebondi à l'Assemblée nationale, alors que la porte-parole du Parti Québécois en matière de services sociaux, Danielle Doyer, avait dénoncé le report de ce programme d'aide aux handicapés qui utilisent un chien d'assistance pour vaquer à leurs occupations quotidiennes.

Le programme d'aide consiste à verser aux personnes handicapées une allocation annuelle d'environ 1200$ pour payer les frais d'entretien (soins vétérinaires, accessoires spécifiques, nourriture...) de leurs chiens d'assistance. Notez qu'un tel programme existe déjà pour les chiens-guides des personnes non voyantes.

Dans son rapport d'octobre 2001, un groupe de travail du ministère de la Santé et des Services sociaux avait notamment fait valoir la rentabilité gouvernementale d'une telle aide financière. On y mentionnait ceci: «L'utilisation d'un chien d'assistance permet d'économiser près de 60 000$ pendant la durée de vie fonctionnelle de cette aide technique, laquelle est évaluée à huit ans.» Avec l'aide d'un chien d'assistance (dont la vie active est de huit ans), les personnes handicapées utilisatrices deviennent plus autonomes... et ont ainsi moins recours aux services publics.

À la suite de l'annonce de l'entrée en vigueur du programme par la ministre déléguée aux Services sociaux, Lise Thériault, la directrice de l'Office des personnes handicapées du Québec, Céline Giroux, a tenu à rappeler que les chiens d'assistance à la mobilité procurent aux personnes ayant une déficience motrice des services utiles et sécuritaires, et ce, à des coûts raisonnables.

Comme il s'agit d'une aide gouvernementale non seulement justifiée, mais... parfaitement rentable, il est à souhaiter qu'un plus grand nombre de personnes handicapées fassent appel à des chiens d'assistance, gracieusement offerts par la Fondation Mira.