Même si le Québec, toutes proportions gardées, a été davantage épargné par la récession que le reste du Canada, son marché du travail a quand même été plutôt malmené. Entre le troisième trimestre de 2008 (à l'aube de la récession) et le premier trimestre de 2010, le Québec a perdu 69 700 emplois. Cela représente un recul de 1,8% par rapport au sommet atteint à l'automne 2008.

Or, ces chiffres camouflent une réalité préoccupante: le marché québécois du travail présente des disparités régionales énormes. Des données publiées la semaine dernière par l'Institut de la statistique du Québec montrent en effet que la récession a fait beaucoup de perdants, mais aussi quelques gagnants.

Deux régions se démarquent très nettement du peloton: Lanaudière et les Laurentides. La première, en pleine récession, a trouvé le moyen de créer 14 300 emplois, une hausse de 6,5%. Dans les Laurentides, on compte 16 000 emplois de plus, une augmentation de 6,0%.

Il faut interpréter ces chiffres avec prudence. Le découpage administratif du Québec fait en sorte que la grande majorité de la population active de ces deux régions est constituée de banlieusards de la couronne nord, secteur qui connaît la plus forte croissance démographique du Québec. Et il se trouve qu'une forte proportion de cette population travaille à Montréal. Or, les statistiques du marché du travail sont basées sur le lieu de résidence, non sur le lieu de travail. Ainsi, un résidant de Repentigny qui se trouve un emploi au centre-ville de Montréal crée un emploi dans Lanaudière. Dans ces conditions, on peut certainement penser que la forte création d'emplois sur la couronne nord n'est pas tant due à la vitalité de l'économie locale qu'à la proximité de Montréal.

Dans l'île de Montréal même, il s'est perdu 30 900 emplois. C'est un chiffre élevé, certes, mais par rapport à la taille du marché du travail, cela représente un recul de 3,2%, ou l'élimination d'un emploi sur 31.

La Montérégie présente un cas particulier. Beaucoup de résidants de la Rive-Sud travaillent à Montréal, et sans doute s'est-il créé des emplois chez ce groupe de travailleurs (comme dans le cas de la couronne nord). D'un autre côté, la Montérégie compte aussi tout un chapelet de villes de taille intermédiaire (Sorel-Tracy, Saint-Hyacinthe, Granby, Saint-Jean-sur-Richelieu, Salaberry-de-Valleyfield) qui ont été plus durement touchées pendant la récession. À tout prendre, l'ensemble de la région, la deuxième du Québec pour la taille de sa population active (près de 800 000 personnes, contre un peu plus d'un million à Montréal), a traversé la récession avec une perte de 700 emplois, autant dire rien.

Il en va autrement dans les régions périphériques, dont les économies sont basées sur l'exploitation et l'exportation des ressources. Ensemble, l'Abitibi, la Mauricie, la Gaspésie, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, le Bas-Saint-Laurent et la Côte-Nord ont perdu 30 000 emplois. C'est autant qu'à Montréal, mais il faut savoir que tous ces territoires réunis comptent à peine pour la moitié de la population de la Ville de Montréal. En conséquence, la récession a supprimé un emploi sur 17 dans les régions ressources. C'est énorme.

Les plus touchées sont la Gaspésie, avec la disparition d'un emploi sur neuf, véritable tragédie pour une région qui n'en avait vraiment pas besoin, et la Mauricie, avec la perte d'un emploi sur 11.

Un autre drame survient dans le Centre-du-Québec (Drummondville, Victoriaville, Bécancour), région reconnue pour son dynamisme entrepreneurial et sa capacité à créer de l'emploi. La région abrite de nombreuses petites et moyennes entreprises qui exportent aux États-Unis, et qui ont subi de plein fouet l'effondrement de la confiance des consommateurs américains. Toujours entre l'automne 2008 et le printemps 2010, le Centre-du-Québec a perdu 12 700 emplois, ce qui fait très mal dans une région où la population active est de 114 000 personnes.

Prix de consolation: malgré ces lourdes pertes, le taux de chômage dans le Centre-du-Québec, à 7,6%, demeure légèrement inférieur à la moyenne provinciale de 8%.

Ailleurs au Québec, l'Estrie a perdu un emploi sur 13, Québec un sur 31 et l'Outaouais un sur 38. La situation à Laval est demeurée stable.