Les résultats annuels d'Hydro-Québec sont habituellement enrobés de superlatifs. Année après année, la société d'État établit un nouveau record de profit, la rare exception étant 2007, puisque l'année précédente, Hydro-Québec avait fait un gros coup de fric en cédant un investissement au Chili.

Ainsi, Hydro-Québec fait toujours dans le «plus meilleur». Mais cette année, la société d'État a le succès plus modeste.

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Deux semaines après avoir renoncé, à contrecoeur, à son projet d'acquérir les meilleures centrales de production d'Énergie NB, la société d'État a dévoilé des résultats annuels qui témoignent de la récession de 2009.

Revenus en baisse de 3%, à 12,3 milliards de dollars. Bénéfice net qui accuse un repli comparable, à 3 milliards et des poussières.

Hydro-Québec explique ces résultats par la chute de ses ventes industrielles, la baisse du prix de l'électricité dans le nord-est des États-Unis et l'appréciation du dollar canadien par rapport au billet vert, qui amoindrit ses revenus d'exportation.

Le bénéfice net provenant des activités poursuivies permet néanmoins de sauvegarder la tradition. D'un petit 23 millions de plus qu'en 2008, celui-ci permet à Hydro-Québec d'affirmer qu'elle n'a jamais fait autant de profits.

La société d'État a réussi à tirer son épingle du jeu. Il faut voir qu'Hydro-Québec a fait face à ce que son PDG, Thierry Vandal, appelle de «forts vents contraires».

Depuis quelques années, Hydro-Québec tire de ses ventes à l'exportation un pourcentage disproportionné de ses profits. Or, le prix de l'électricité sur les marchés où l'entreprise exporte s'est affaissé, ce qui change la donne.

En 2009, ce prix s'est établi à 5,5 cents le kilowattheure, en moyenne. C'est presque moitié moins que les prix moyens qu'Hydro-Québec a obtenus en 2007 (10,3 cents le kilowattheure) et en 2008 (9,8 cents le kilowattheure).

Heureusement, Hydro-Québec s'était préparée au pire et a joué de prudence. La société d'État a ainsi obtenu un prix moyen de 6,8 cents le kilowattheure exporté. Thierry Vandal n'a d'ailleurs pas manqué de le souligner hier midi, alors qu'il prononçait sa première grande allocution en quatre ans.

Si la société d'État n'avait pas géré ses risques, en se protégeant contre les fluctuations adverses du prix de l'électricité, du taux de change et du prix de l'aluminium (qui influence les revenus tirés de ses ventes aux alumineries), ses profits auraient été nettement plus moches, soit de 600 millions inférieurs.

En 2009, donc, les contrats de couverture ont sauvé la mise à Hydro-Québec. Mais il reste à voir comment la société d'État s'en tirera en 2010, alors que les vents contraires soufflent toujours aussi fort, à l'exception du prix de l'aluminium qui s'est ressaisi.

Le dollar, on le sait, vient d'atteindre la parité. Et rien n'indique qu'il retombera de sitôt. Au même moment, le prix de l'électricité en Nouvelle-Angleterre, le meilleur marché d'exportation d'Hydro-Québec, oscille autour de 4 cents le kilowattheure, indique le site d'ISO New England, l'organisme indépendant qui gère le commerce d'électricité des six États de cette région. Il frise ainsi son plancher des sept dernières années.

Ce prix ne semble d'ailleurs pas enclin à grimper, du moins à court terme, en raison des pressions exercées par les centrales thermiques au gaz. Le prix du gaz naturel, qui sert à produire le gros de l'électricité dans cette région des États-Unis, s'est affaissé avec la chute marquée de la demande et l'accroissement de l'offre venant de l'exploitation des gaz de schiste.

Enfin, les contrats de couverture ont une durée limitée. À un moment donné, la réalité finira par rattraper Hydro-Québec.

Ces difficultés appréhendées surviennent à un moment où le gouvernement du Québec demande à Hydro-Québec d'en faire plus. Dans son dernier budget, le ministre des Finances, Raymond Bachand, réclame une contribution de 25 millions de dollars pour l'année financière en cours. Pour une entreprise de cette taille, cela se trouve sans mal. Mais ce sera plus exigeant les années suivantes. La contribution d'Hydro-Québec augmentera tous les ans, pour atteindre 250 millions de dollars en économies récurrentes en 2013-2014.

«Ce n'est pas un montant qui traîne dans les tiroirs», note Thierry Vandal. Ni une somme qui se trouve en facturant les comptes en souffrance à un taux d'intérêt composé au lieu d'un taux d'intérêt simple, même si c'est une bêtise du nouveau système informatique qu'Hydro-Québec a payé 400 millions de dollars...

Ainsi, la société d'État ne pourra esquiver une restructuration. Déjà, Hydro-Québec entend remplacer ses vieux compteurs - il y en a 3,6 millions! Cet investissement de «plusieurs centaines de millions de dollars», dixit Thierry Vandal, dotera les clients d'Hydro-Québec de compteurs communicants qui peuvent être lus comme activés ou désactivés à distance. Ce sont 700 travailleurs qui deviendront superflus, sur un effectif de plus de 19 500 salariés.

Thierry Vandal croit que cette opération peut se faire sans trop de douleur, étant donné le déploiement sur quatre ans des nouveaux compteurs et les départs à la retraite attendus.

Mais cette opération sera insuffisante à elle seule. Aussi, Hydro-Québec devra faire plus. C'est particulièrement vrai dans le secteur de la distribution, dont l'efficacité est qualifiée de «décevante» par les quatre économistes qui ont conseillé le ministre Bachand dans la préparation de son budget, après comparaison avec d'autres distributeurs d'électricité. Uniquement dans son service à la clientèle, Hydro-Québec pourrait économiser 60 millions de dollars par année, estiment ces experts.

C'est tout un changement de culture qui s'annonce chez Hydro-Québec, où les licenciements ne font pas partie des habitudes de la maison.

La récession est peut-être terminée. Mais c'est maintenant que cela se corse pour Hydro-Québec.

sophie.cousineau@lapresse.ca