Pourquoi le gouvernement Harper cherche-t-il midi à quatorze heures pour renflouer les coffres du fédéral? Il pourrait, en toute équité envers les salariés, récupérer annuellement un milliard de dollars d'impôt impayé en mettant tout simplement fin au cadeau fiscal relié à l'encaissement des options d'achat d'actions accordées aux dirigeants d'entreprises.

Vous savez comme moi que le revenu tiré des salaires, des primes, des commissions... est pleinement assujetti à l'impôt fédéral. Dans le cas des revenus tirés de l'encaissement des options d'achat d'actions, les dirigeants bénéficient d'une généreuse déduction fiscale de 50%. C'est donc dire que seulement la moitié de ces revenus d'options sont assujettis à l'impôt fédéral.

Concrètement, selon les chiffres rapportés dans le budget 2010 du ministre Jim Flaherty, voici ce que ce cadeau fiscal représentait pour la seule année de 2007.

Pour l'année fiscale 2007, on rapporte que 78 502 détenteurs d'options d'achat d'actions d'entreprises cotées en Bourse ont réclamé au titre de la déduction pour option d'achat d'actions un montant total de 4,1 milliards de dollars. Selon le ministère des Finances, cette déduction a permis à ces privilégiés de la société d'économiser 1,2 milliard d'impôt fédéral.

Le cadeau ne s'arrête pas là. À cet impôt fédéral économisé grâce au traitement de faveur accordé aux revenus d'options, il faut également ajouter une économie d'impôt provincial d'au moins 650 millions de dollars pour cette même année fiscale.

Total des économies d'impôts attribuées en 2007 à cette sélecte poignée de détenteurs d'options: 1,8 milliard.

Il est important de préciser ici la nature même de ce genre de revenus tirés de l'encaissement des options d'achat d'actions. Les options en question sont attribuées aux dirigeants et à certains employés-clés des entreprises. Le but? Cela permet aux yeux des entreprises d'attirer et de maintenir en poste leurs principaux employés.

L'attribution d'options c'est financièrement alléchant parce que l'employé détenteur d'options ne coure aucun risque avec ses options. Il les encaissera uniquement si la valeur de l'action sous-jacente à l'option dépasse le prix d'exercice de ladite option. Exemple: supposons que l'option de l'action XYZ est attribuée à un prix d'exercice de 20$. Si la valeur marchande de l'action XYZ vaut en Bourse 20$ ou moins, le détenteur de l'option ne l'exercera pas. Il attendra que l'action XYZ dépasse éventuellement le prix d'exercice de son option pour l'encaisser.

En quoi le traitement fiscal privilégié attribué à ces employés-clés des entreprises boursières est-il différent du traitement fiscal accordé aux gains en capital des boursicoteurs, eux aussi imposés à moitié?

La différence repose tout simplement sur le fait que le boursicoteur court des risques alors que l'employé détenteur d'options de son entreprise n'en coure absolument aucun. L'encaissement à profit de ses options d'achat d'actions représente carrément du salaire... déguisé.

Je n'ai absolument rien contre le fait de verser cette forme de salaire déguisé aux employés-clés des entreprises... en autant, évidemment, que cela devienne un revenu pleinement imposable comme les salaires, primes et commissions encaissés par le commun des contribuables.

En passant, sur les 78 502 employés qui ont réclamé en 2007 une déduction de 4,1 milliards de dollars sur les 8,2 milliards de profits encaissés avec leurs options, il faut savoir que 75% de cette déduction est allée dans les poches de seulement 7985 riches dirigeants des entreprises cotées en Bourse.

Toujours selon les chiffres du budget 2010, les 7985 employés de ce groupe sélect gagnaient plus de 500 000$ par année. Ils ont réclamé à eux seuls une déduction de 3,1 milliards sur les 6,2 milliards de dollars de profits encaissés à même leurs options d'achat d'actions.

Pour vous montrer à quel point les dirigeants d'entreprises boursières sont gras durs avec leurs généreux régimes d'options d'achat d'actions, sachez qu'ils ont réussi en 2008 à encaisser des profits de quelque 5,1 milliards alors que la Bourse canadienne s'effondrait de 33%.

Et dire que la moitié de ces profits a été exemptée d'impôts, grâce à la générosité du fédéral et des provinces envers les chefs de nos entreprises.

C'est scandaleusement inacceptable! Et comble d'iniquité, ces mêmes régimes d'options ont pour effet dramatique de diluer la valeur boursière des actions, jouant ainsi contre les actionnaires des entreprises.