Les économistes s'attendaient à ce que l'économie canadienne rebondisse de façon importante à la fin de 2009. Statistique Canada, qui publiait hier les comptes économiques du dernier trimestre de l'année, ne les a pas déçus: en rythme annualisé, l'économie canadienne a progressé de 5% en octobre, novembre et décembre. Le meilleur trimestre en 10 ans! Pour plus de détails, je vous invite à lire, dans ces pages, le reportage de mon collègue Hugo Fontaine.

Cette vigoureuse progression amène deux questions: qu'est-ce qui s'est passé, et cela va-t-il continuer?Il s'est passé que les consommateurs ont recommencé à acheter, que les gouvernements ont augmenté leurs dépenses et qu'on a beaucoup investi dans la construction, surtout dans le secteur résidentiel. Il était temps.

L'année 2009 a commencé en catastrophe, avec un recul de 7% au premier trimestre (toujours en rythme annuel), et la déprime s'est poursuivie jusqu'à l'été. La croissance insignifiante au troisième trimestre, moins de 1%, était largement insuffisante pour annoncer la lumière au bout du tunnel.

À tout prendre, et malgré l'impressionnante performance du quatrième trimestre, l'année se termine par une contraction économique de 2,6%. Quantité apparemment négligeable, mais il faut savoir que ces 2,6% signifient que les Canadiens se sont collectivement appauvris de 35 milliards en 2009.

Au Canada, les dépenses de consommation des ménages représentent à elles seules 63% du produit intérieur brut (PIB). À la fin de 2008 et au début de 2009, l'ampleur de la crise financière et économique a précipité le niveau de confiance des consommateurs à des niveaux abyssaux. Entre septembre 2008 et mars 2009, les ménages ont réduit leurs achats de 1,1%, ce qui n'aide pas particulièrement à faire tourner l'économie. À partir d'avril, la confiance est graduellement revenue, pour s'accélérer au cours des deux derniers trimestres. Au total, en neuf mois, les dépenses personnelles des consommateurs vont augmenter de 2,2%, ce qui sera suffisant pour effacer la chute observée six mois plus tôt.

Est-ce que cela va continuer?

Comme disent les météorologues, nous contemplons ici un «"ciel variable».

D'abord, deux belles éclaircies.

Si on la compare aux grosses récessions de 1981-1982 et de 1990-1991, celle que l'on vient de traverser n'a pas trop amoché le marché du travail. Le taux de chômage de 8,3% demeure bien en deçà des 12% et plus atteints à l'époque. Or, c'est quand on craint de perdre son emploi qu'on dépense le moins. D'autre part, les taux d'intérêt sont à des niveaux extrêmement bas, ce qui encourage également la consommation. Tout cela devrait hausser le niveau de confiance des ménages au cours des prochains mois.

Le surplus commercial canadien avec les États-Unis a fondu comme neige au soleil en 2009, ce qui a entraîné le premier déficit commercial canadien en plus de 30 ans et contribué à la contraction de l'économie canadienne (les exportations - moins les importations - sont comptabilisées dans le PIB). Or, les États-Unis, qui achètent les trois quarts des exportations canadiennes, semblent prendre un peu de mieux. Au quatrième trimestre, la croissance économique américaine a même atteint 5,9%, un niveau supérieur à celui du Canada. Il faut cependant dire que cette croissance n'était pas autant due aux dépenses des ménages qu'à une augmentation des stocks. Quoi qu'il en soit, tout ce qui peut contribuer à sortir l'économie américaine du bourbier doit être considéré comme une bonne nouvelle par les exportateurs canadiens.

Ensuite, deux nuages noirs.

Les administrations publiques, dès les premiers signes de la récession, ont augmenté leurs dépenses pour soutenir l'économie. D'ailleurs, au cours du terrible premier trimestre de 2009, alors que les dépenses des consommateurs et des entreprises étaient en chute libre, seuls les gouvernements maintenaient leurs dépenses en hausse. Si le Canada renoue avec la croissance, c'est en partie à cause de cette injection de fonds publics. Or, Ottawa et les provinces sont maintenant aux prises avec d'importants déficits, et les prochains budgets (dont celui du ministre Jim Flaherty, dans deux jours) risquent d'être particulièrement austères.

Enfin, la construction résidentielle a connu une bonne année en 2009, mais il est loin d'être certain que cela se poursuive cette année. Les crédits d'impôt à la rénovation, qui ont certainement contribué à augmenter l'activité à ce chapitre, expirent en 2010.

Pour joindre notre chroniqueur: cpicher@lapresse.ca