Le ministre québécois des Finances, Raymond Bachand, doit préparer son premier budget dans des conditions particulièrement pénibles.

Déjà, plusieurs économistes ont émis de sérieuses mises en garde: si rien n'est fait, le gouvernement se dirige tête baissée vers une nouvelle crise des finances publiques, probablement encore pire que celle dont le Québec a eu tant de mal à s'extirper dans les années 90.

Dans son dernier budget, l'ex-ministre Monique Jérôme-Forget a annoncé que l'augmentation des dépenses publiques sera plafonnée à 3,2%. C'est tout un programme quand on sait que la moyenne des 10 dernières années se situe à 4,7% (la différence entre 3,2 et 4,7%, c'est plus de 900 millions!). La ministre a aussi annoncé une indexation des tarifs de tous les services gouvernementaux (à l'exception des garderies à 9000$ - car tel est, pour les contribuables, le coût de chaque place). Et pour couronner le tout, la taxe de vente sera augmentée d'un point de pourcentage au début de l'an prochain.

Or, malgré toutes ces mesures, le Québec terminera l'année avec un déficit de 5 milliards, et rien n'indique que ce déficit se résorbera dans les années suivantes.

Pour compliquer les choses, le Québec est déjà la société la plus taxée et le plus endettée en Amérique du Nord. Et le vieillissement de la population entraînera une baisse de la population active, de sorte que le gouvernement ne pourra plus compter sur la hausse automatique de ses revenus. Voilà, en gros, l'étendue de la catastrophe.

Hier, le comité des politiques publiques de l'Association des économistes québécois (ASDEQ) a apporté sa contribution au débat en publiant un avis court mais percutant: «La trajectoire actuelle des revenus et des dépenses de l'État mène tout droit à un cul-de-sac, écrivent les auteurs. Il est urgent que le gouvernement ajuste son tir et augmente ses revenus et diminue ses dépenses.»

Fondée il y a 35 ans, l'ASDEQ compte 650 membres provenant de tous les milieux et a acquis une solide crédibilité avec les années. Son comité des politiques publiques comprend 18 économistes réputés, dont Jean-Pierre Aubry, François Dupuis, Pierre Fortin, Luc Godbout, Jean-Luc Landry, Philip Merrigan, Pierre-Paul Proulx, entre autres. De très grosses pointures.

Évidemment, pour beaucoup de contribuables surtaxés, il saute aux yeux que la première chose à faire est de s'attaquer aux dépenses gouvernementales. Facile à dire, beaucoup plus difficile à faire, rappellent les économistes. Certes, le gouvernement pourrait faire mieux, et il faut bien entendu poursuivre les efforts visant à «rechercher l'efficacité dans la dépense», mais ce ne sera pas suffisant.

Toujours à cause du vieillissement de la population, on voit mal comment le gouvernement peut diminuer ses dépenses de santé, qui engloutissent déjà 43% de ses revenus totaux. Pour équilibrer le budget, il faudrait commencer par geler les dépenses de santé à leur niveau actuel, et on sera encore loin du compte; il faudrait, en plus, refuser toute augmentation salariale à la fonction publique pendant au moins cinq ans! C'est «clairement impossible», constatent les auteurs.

En outre, le services de la dette, sur lequel le gouvernement n'a aucune emprise, continuera d'enfler. Québec y consacre actuellement 9% de ses revenus, et cette proportion passera à 14% dans trois ans seulement.

Dans ces conditions, ce n'est pas dans la réduction des dépenses que se trouve la solution.

Reste la colonne des revenus.

Le document rejette d'emblée toute idée de hausse de l'impôt sur le revenu des particuliers. Par contre, il aborde trois autres voies:

> La taxe de vente du Québec se situe présentement à 7,5%. Comme on vient de le voir, elle passera à 8,5% en janvier 2011. Les auteurs suggèrent, également pour janvier 2011, un point de pourcentage additionnel, soit 9,5%. Cela apportera un milliard de plus par année.

> Les hausses de tarification annoncées par Mme Jérôme-Forget ne sont pas suffisantes. Le gouvernement devrait faire payer davantage les utilisateurs de ses services publics, et cette nouvelle tarification devrait lui rapporter un autre milliard.

> Enfin, il est grand temps de revoir à la hausse les tarifs d'électricité, qui demeurent parmi les plus bas en Amérique du Nord. Une hausse de 1 cent du kilowatt/heure, étalée sur plusieurs années, rapporterait également 1 milliard. Malgré cette hausse, les tarifs d'électricité québécois, dans le secteur résidentiel, resteraient entre 61 et 71% des niveaux ontariens.

Est-ce que cela fera mal? Oh oui. Mais c'est le prix à payer pour une société qui veut se doter d'un «haut niveau de services publics». Elle doit accepter le «haut niveau de taxation» qui vient avec...