Pas besoin de faire affaire avec un Vincent Lacroix ou un Earl Jones pour se faire plumer le portefeuille. Vous pouvez subir le même sort ou presque en investissant par l'entremise des firmes de services financiers et de leurs conseillers professionnels dûment reconnus par l'Autorité des marchés financiers et autres commissions des valeurs mobilières canadiennes.

Madame Ginette, jeune retraitée, est tombée dans le piège de l'emprunt à effet de levier à des fins d'investissement. Elle a contracté deux emprunts pour investir dans des fonds communs d'actions. Ce genre de stratégie financière est hautement risqué et spéculatif. Non seulement faut-il rembourser les emprunts, mais, en plus, l'investisseur s'expose aux aléas des marchés financiers. La stratégie de l'investissement à effet de levier s'avérera rentable si le rendement des placements dépasse le coût des frais de tout acabit liés aux emprunts.

Malheureusement pour elle, Madame Ginette n'a pas eu cette chance et elle se retrouve aujourd'hui dans le trou de 85 000$. Son malin conseiller financier lui fait accroire qu'au contraire, elle fait de l'argent comme de l'eau. Son argument? Il lui dit de ne pas tenir compte des emprunts qu'elle a contractés et des frais inhérents à ces emprunts!

Histoire classique. Une amie convainc Madame Ginette de rencontrer son conseiller financier. L'amie se vante de faire de l'argent grâce à la stratégie à effet de levier recommandée par son conseiller.

Madame Ginette se montre méfiante devant les belles promesses (verbales) de rendement que le conseiller lui présente. Beau parleur, le conseiller réussit finalement à l'embobiner. Comme sa maison est totalement payée, le conseiller lui recommande de l'hypothéquer à des fins d'investissement.

En 2003, Madame Ginette lève donc par l'entremise de la firme de services financiers une hypothèque de 125 000$. Trois ans plus tard, le conseiller lui recommande cette fois de contracter, toujours par l'entremise de sa firme d'investissement, un emprunt additionnel de 75 000$. On parle donc d'un emprunt total de 200 000$, totalement réinvesti dans des fonds d'actions de la firme de services financiers.

Bilan de l'investissement: après sept années, le portefeuille de Madame Ginette vaut 201 000$. Pour un gain de 1000$, soit un demi de 1%.

Quel est le problème? Madame Ginette se retrouve aujourd'hui dans le trou de 85 000$.

Comment arrive-t-on à ce trou financier? D'une part, on additionne le solde qui reste à payer sur les deux emprunts (183 000$) et la totalité des débours mensuels (103 000$) que Madame Ginette a effectués sur ses deux emprunts depuis 2003. De cette somme totale, soit 286 000$, on déduit la valeur actuelle (201 000$) du portefeuille. Ce qui donne un manque à gagner de 85 000$. Une somme qui a servi à payer une panoplie de frais (intérêts, autres frais financiers, etc.).

Par ailleurs, Madame Ginette est prise avec un portefeuille immensément risqué. À preuve, voici la répartition du portefeuille que son conseiller lui a bâti: 54% en parts de fonds d'actions de Chine, 19% en parts de fonds d'actions du secteur des richesses naturelles, 19% en parts de fonds de dividendes et 8% en parts de fonds d'actions européennes. Notez que ces catégories de fonds d'actions sont parmi les plus onéreuses en termes de ratio de frais de gestion (2,85%). Ce qui est très payant pour les firmes de services financiers.

Comble du sans-gêne, le conseiller a récemment suggéré à Madame Ginette de contracter un autre emprunt à effet de levier dans le but d'augmenter le rendement de son portefeuille... Il essaie, dit-elle, de lui faire accroire qu'elle pourra réaliser un rendement de 35% en 2010.

Que faire avec un si dangereux conseiller? Je tenterais de réclamer de la part de la firme un dédommagement pour mauvais conseils financiers.

Ensuite, j'exigerais une révision de portefeuille de la part d'un autre conseiller, question de réduire substantiellement l'exposition aux fonds à risques élevés.

Et finalement, je porterais plainte auprès de l'Autorité des marchés financiers.