La Grèce vient d'être dégradée, l'Espagne risque d'y goûter une autre fois. Mais ce sont Ies lrlandais qui, sous le coup de mesures d'austérité brutales, souffrent le plus des dérapages budgétaires des gouvernements.

C'est dans la Grèce antique que la dette publique a vu le jour, quand Athènes et d'autres cités se sont mises à emprunter pour financer leurs guerres.

La semaine dernière, le passé est revenu hanter les Grecs, lorsque l'agence Fitch a abaissé la note de la dette à long terme du pays. En clair, cela signifie que la probabilité que la Grèce soit incapable de rembourser ses emprunts est jugée élevée.

Quelques jours plus tard, Standard&Poor's a sonné l'alarme au sujet de l'Espagne. Après avoir réduit la note du pays en janvier, l'agence menace Madrid d'une autre décote en raison de l'envolée de ses déficits.

En somme, les mauvais élèves de l'Europe inquiètent. C'est d'ailleurs sous le terme peu élogieux de «PIGS» (Portugal, Irlande, Grèce, Spain/Espagne) que les milieux financiers désignent aujourd'hui ces pays européens à haut risque.

Mais dans ce club peu recommandable, ce sont les Irlandais qui souffrent le plus des dérapages budgétaires des gouvernements.

Un budget très dur

Ouchhh! C'est le mot qui vient à l'esprit en voyant les mesures d'austérité que Dublin a annoncées à la population, mercredi dernier, afin de limiter la flambée du déficit public.

L'Irlande compte réduire ses dépenses de 4 milliards d'euros (6,2 milliards CAN) dès l'an prochain - une somme colossale pour un pays de 4,5 millions d'habitants. C'est comme si le Québec voulait sabrer son budget de 10 milliards en un an.

L'État irlandais récoltera environ 1 milliard en réduisant les salaires de ses employés: la baisse ira de 5% pour les fonctionnaires et jusqu'à 15% pour les cadres et les ministres. Le premier ministre, Brian Cowen, donnera l'exemple en s'administrant une coupe de 20%.

Les dépenses sociales seront réduites de 800 millions d'euros, un coup de rabot qui n'épargne personne sauf les personnes âgées. Enfin, 2 milliards proviendront d'une baisse des dépenses de fonctionnement et des investissements publics.

Mince consolation, Dublin a prévu des mesures pour relancer la consommation: création d'une prime à la casse pour les vieux véhicules, baisse de la TVA d'un demi-point (à 21%) et, pour dorer la pilule, une diminution des taxes sur l'alcool (?)... preuve que la tolérance à la douleur n'est pas sans limites au pays de la Guinness.

C'est le second tour de vis que le gouvernement fait cette année. Il avait adopté en avril des mesures visant à économiser plus de 3 milliards d'euros.

La chute

Bref, l'ancien Tigre celtique ne rugit plus, il miaule comme un chaton détrempé.

La crise financière a fait très mal: l'économie irlandaise, gonflée par une bulle immobilière, a rétréci de 10,5% depuis son sommet de 2007, soit deux fois plus que le déclin de la zone euro; les investissements étrangers ont disparu et le chômage monte en flèche.

Le sauvetage des banques a coûté des dizaines de milliards et la déflation s'installe: les prix régressent à un rythme annualisé de 5,7%. Et malgré les mesures prises en avril, le déficit public aurait atteint 12% du PIB cette année et 13,5% l'an prochain... si rien n'était fait.

Le gouvernement n'avait donc pas d'autre choix. Et d'autres compressions sont à prévoir. «Ce budget est très douloureux. Mais la dure réalité, c'est que ce n'est pas fini», dit la Royal Bank of Scotland (RBS) dans une étude.

Or, les Irlandais ne seront pas les seuls à faire la grimace. Les autres malades de l'Europe devront aussi goûter à cette médecine.

Les ministres européens des Finances ont approuvé il y a quelques jours des plans de réduction des déficits. Et, à défaut d'une reprise économique solide, on obligera certains pays à recourir à des coupes budgétaires ou à des hausses d'impôts.

D'autres ont aussi été avertis. La semaine dernière, Standard&Poor's a prévenu le Royaume-Uni et les États-Unis qu'ils risquaient de perdre leur note de crédit, la plus haute qui soit, s'ils ne maîtrisent pas leur déficit. Le message est sans équivoque.

Dans les tragédies grecques, le refus des protagonistes de se plier aux voeux des dieux mène toujours à leur perte. Les cancres budgétaires de ce monde devraient savoir qu'en matière de finance moderne, les lois divines sont dictées par les agences de notation de crédit.