Le feuilleton pour le contrôle de l'agence de publicité Cossette tire vraisemblablement à sa fin.

L'offre d'achat du groupe Cosmos, pilotée par François Duffar, l'un des anciens associés de l'agence de Québec, vient à échéance lundi prochain, dans quatre petites journées. Toutefois, même si Cossette dévoile aujourd'hui des résultats de fin d'année mirobolants, il serait assez étonnant que ceux-ci incitent Cosmos à revenir à la charge, soit en égalant, soit en surpassant l'offre concurrente de Mill Road Capital.

Lundi, ce fonds d'investissements américain a relevé son offre à 8,10$ par action de Cossette. Mais en acceptant cette offre bonifiée de 3% comparativement à l'offre précédente de 7,87$, le comité indépendant du conseil d'administration de Cossette a changé les règles du jeu. En pleine bataille de prise de contrôle.

Cossette ne peut pas casser son contrat avec Mill Road, le partenaire avec laquelle l'agence a convenu de fusionner, sur un coup de tête. Et cela, même si l'agence devait assumer la pénalité de résiliation de contrat, qui a par ailleurs bondi à 4,5 millions de dollars, comparativement à 3,25 millions auparavant.

En effet, en vertu de son entente de fusion, Cossette ne peut étudier aucune autre offre d'achat que celle de Mill Road à moins que la nouvelle proposition ne constitue une «proposition supérieure» ou pourrait raisonnablement y mener. Or, c'est cette définition de proposition supérieure qui vient de changer.

Dans l'esprit de tout le monde, une offre d'achat de 8,50$ par action (un montant hypothétique) serait supérieure à une offre de 8,10$ par action si elle est pleinement financée et qu'elle a toutes les chances de se concrétiser. Mais pas pour le comité indépendant du conseil de Cossette. Une offre supérieure est maintenant définie comme une offre pouvant recueillir, avant son expiration, l'appui d'actionnaires qui représentent les deux tiers du capital de Cossette, soit 66,6%.

Or, cette condition est presque impossible à atteindre étant donné que le management actuel contrôle tout près de 30% du capital de Cossette et que ses membres se sont déjà engagés à déposer leurs actions en faveur de l'offre de Mill Road. Ce groupe se compose de 10 dirigeants. Ainsi, il ne se limite pas à Claude Lessard et à Pierre Delagrave, les deux hauts dirigeants qui sont en conflit ouvert avec leurs deux anciens associés, François Duffar et Georges Morin.

Ainsi donc, le management en place détient presque de facto un droit de veto. Or, l'intérêt des jeunes dirigeants de l'entreprise n'est pas nécessairement aligné avec celui de tous les actionnaires. C'est ce que laissent à penser les propos étonnants de dirigeants de Cossette et de Mill Road qui ont été rapportés dans le quotidien Globe&Mail samedi dernier.

On y apprenait que Claude Lessard compte dorénavant céder les rênes de l'agence à la jeune génération de dirigeants en vertu d'un plan de succession qui sera mis en oeuvre d'ici deux ans. Or, c'est justement parce que Claude Lessard tardait à se retirer de la gestion quotidienne de l'agence que François Duffar s'est impatienté et a lancé une offre d'achat non sollicitée. Claude Lessard cumule toujours les trois fonctions de président du conseil, de chef de la direction et de président.

Mill Road compte superviser cette transition, qu'elle cautionne, a indiqué Thomas Lynch, grand patron de Mill Road, en entrevue au Globe. Appelé à ses bureaux du Connecticut, Thomas Lynch a fait savoir, par l'entremise d'un porte-parole de Cossette, qu'il ne donnerait plus aucune entrevue.

On reste ainsi sur la désagréable impression que l'appui des jeunes dirigeants de Cossette à Mill Road n'est pas désintéressé.

Mais bon, ce n'est pas la première entorse aux principes de bonne gouvernance que l'on constate depuis que l'agence de publicité de Québec est la cible d'une offre hostile appuyée par des investisseurs institutionnels mécontents, le 20 juillet. Attribuer des options d'achat d'actions au grand patron Claude Lessard en pleine bataille de prise de contrôle? Ce n'est peut-être pas illégal, mais c'est certainement illégitime.

Cossette se défend d'agir de mauvaise foi en changeant en cours de route la définition d'une «offre supérieure», à la demande de Mill Road. Comme Cosmos avait affiché son intention de privatiser Cossette, une opération qui, légalement, nécessite l'appui d'actionnaires qui représentent 66,6% du capital de la firme, pourquoi ne pas l'exiger d'entrée? s'interroge Marcel Barthe, vice-président, stratégie, de Cossette. Pourtant, ce genre d'opération se fait régulièrement en deux temps.

Paradoxalement, même si le comité spécial du conseil d'administration ne semble pas avoir toujours agi dans le meilleur intérêt de tous les actionnaires, le résultat de cette vente aux enchères forcée de Cossette a tout de même produit des résultats intéressants.

Si Mill Road emporte l'agence de publicité au prix de 8,10$, ce qui attribue à la firme une valeur de plus de 135 millions de dollars, exception faite de ses dettes, cela représentera une prime substantielle pour les actionnaires. Ce montant représente près de trois fois le creux de 2,78$ touché le 20 mai dernier. On est encore loin du sommet de 13,39$ touché en juin 1997, mais beaucoup de chemin a été parcouru!

Assez pour que François Duffar liquide ses actions et tourne le dos pour de bon à Cossette? On le saura d'ici peu.

Une chose est sûre, toutefois. Comme François Duffar est appuyé par le fonds américain H.I.G. capital, que Mill Road ou que Cosmos l'emporte, la plus grande agence de publicité au pays tombera sous contrôle américain. Mais cela, que voulez-vous, cela fait partie des choses imprévisibles qui se produisent lorsqu'une entreprise est mise en jeu.

Pour joindre notre chroniqueuse: sophie.cousineau@lapresse.ca