Les États-Unis semblent «malheureusement» se diriger vers une reprise sans emplois, selon une dirigeante de la Fed. Un pronostic sévère, déprimant. Or, tout n'est pas perdu; Washington devrait s'inspirer d'un remède allemand contre le chômage.

Triste anniversaire pour Barack Obama. Un an après son élection triomphale, il est devenu il y a quelques jours le premier président américain, depuis Ronald Reagan, à voir le chômage dépasser la barre des 10%.

Avec 190 000 postes supprimés en octobre, les États-Unis ont perdu près de 7,5 millions d'emplois depuis le début de la récession, en décembre 2007.

Aussi, le président Obama a reçu un sévère avertissement: obligé d'affronter la désillusion des Américains, son gouvernement vient d'être sanctionné lors de deux élections en Virginie et dans le New Jersey.

Cette «jobless recovery» («reprise sans emplois») montre que, malgré un plan de relance économique de 787 milliards US et des taux d'intérêt très bas, la puissante économie américaine reste tristement stérile sur le plan de la création d'emplois.

Si bien que les États-Unis semblent «malheureusement» engagés sur la voie d'une reprise sans emplois, a estimé mardi Janet Yellen, une dirigeante de la Réserve fédérale américaine (Fed).

Un pronostic déprimant, voire défaitiste. Pourtant, des remèdes au chômage existent. Et on en trouve de l'autre côté de l'Atlantique.

L'Europe résiste

Si l'Amérique a l'habitude de mener le monde en période de prospérité, l'Europe résiste mieux aux récessions. Alors que le chômage a plus que doublé aux États-Unis, depuis le début de la crise financière, il a augmenté de 30% dans l'Union européenne.

Une partie de la recette européenne réside dans les structures de son marché du travail, pourtant souvent critiquées. Entre autres, les lois européennes imposent des pénalités coûteuses aux entreprises qui font des mises à pied.

Mais ce n'est pas tout. Contrairement aux Américains, les Européens n'ont pas hésité à intervenir directement sur le marché du travail durant cette crise. Selon l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), l'Europe a adopté pas moins de 14 mesures différentes pour soutenir l'emploi depuis un an.

L'Allemagne

À ce chapitre, l'Allemagne est probablement le pays qui en fait le plus... avec de bons résultats à la clé.

La première économie européenne s'est contractée davantage que celle des États-Unis depuis un an. Pourtant, le taux de chômage en Allemagne a peu bougé, oscillant autour de 8% (contre 10,2% aux États-Unis).

La raison? Des mesures innovatrices et efficaces de soutien à l'emploi.

Par exemple, Berlin a adopté une politique appelée «Kuzarbeit», qui signifie en gros «travail temporaire». Ainsi, les entreprises qui souffrent de la récession sont invitées à réduire les heures de travail au lieu de faire des licenciements.

Et le gouvernement fait sa part. Si les heures travaillées et les salaires sont réduits de 10% ou plus, l'État rembourse aux travailleurs 60% des revenus perdus.

Prenons l'exemple d'un employé allemand qui se voit imposer une réduction de 25% de sa semaine de travail. S'il gagne 800 par semaine, sa paye passera à 600 . Or, en vertu du programme fédéral, le gouvernement verse une compensation de 120 , ou 60% du salaire perdu, à cet employé qui, faut-il le rappeler, a toujours son poste.

Combien tout cela coûte? Selon Kevin Hassett, de l'American Enterprise Institute, la facture pour les Allemands est d'environ 2,9 milliards US jusqu'ici.

Le spécialiste a fait des calculs pour tenir compte de la taille du marché du travail américain. Selon lui, il en coûterait environ 10,6 milliards US à Washington pour offrir la même chose aux Américains. Soit «environ 1/70 du programme de relance», écrit-il dans une lettre ouverte. Sans compter que cette mesure évite aux entreprises les coûts élevés des compressions.

Selon l'économiste, des programmes de «temps partagé» existent dans 17 États américains. Mais ils sont peu utilisés parce que l'Oncle Sam n'offre aucun soutien financier aux entreprises. Cela est troublant. Surtout que Wall Street a obtenu des milliards pour se remettre en marche...

Bref, il faut de vraies solutions. Jeudi, M. Obama a annoncé la tenue d'un grand forum sur l'emploi, en décembre, pour discuter des façons de relancer l'embauche. C'est un pas en avant. Mais le temps presse pour l'Amérique.

Même si les pertes d'emplois ralentissent aux États-Unis, le fait de franchir le seuil des 10% de chômeurs pourrait achever de plomber le moral des consommateurs. Et pour une économie qui dépend à 70% de la consommation des ménages, cela risque d'être désastreux.