Des dizaines d'employés du secteur public m'ont lapidé de leurs plus belles insultes à la suite de ma chronique de samedi dernier où je dénonçais leurs demandes syndicales de 3,2 milliards.

«Pas trop fort ta réflexion sur le secteur public... Combien on te paie pour pondre ces niaiseries?» me demande Marc-André Boileau, de Sainte-Thérèse.

«Au début des négos, il est normal de demander plus, dit-il. Pourquoi s'énerver ainsi? Pour ma part, en tant qu'enseignant, je ne vise que l'indexation au coût de la vie afin que mon salaire ne diminue pas...»

Dans ma chronique «Effronterie du secteur public», je trouvais irréaliste et aberrant que le Front commun CSN-FTQ-SISP ose, en cette période économique précaire, réclamer pour ses 475 000 syndiqués de l'État québécois des augmentations de 11,25% en trois ans, voire une hausse de leur masse salariale de 3,2 milliards de dollars.

Je rappelais aux bonzes du Front commun, Claudette Carbonneau de la CSN, Michel Arsenault de la FTQ et Gilles Dussault du SISP (Secrétariat intersyndical des services publics), que nous, les vaches à lait du gouvernement du Québec, n'avions pas les moyens financiers d'acquiescer à leurs demandes.

À l'heure même où le gouvernement du Québec s'apprête à puiser davantage dans les poches des contribuables en augmentant la TVQ et les frais de services publics, et peut-être même les impôts, et ce, dans le dessein de réduire son énorme déficit budgétaire de plusieurs milliards, il m'apparaît malvenu de bonifier les conditions de travail de «nos» employés de l'État.

Comme l'État québécois est profondément dans le trou, toutes les grosses dépenses additionnelles doivent être forcément comblées par une ponction supplémentaire auprès des contribuables et payeurs de taxes. C'est le jeu des vases communicants: pour bonifier de 3 milliards de dollars les conditions de travail des employés de l'État québécois, le gouvernement devra appauvrir d'autant l'ensemble de ses contribuables.

Cela dit, je suis parfaitement conscient qu'il y a un sacré écart dans les conditions de travail et avantages sociaux consentis aux employés réguliers de l'État par rapport aux employés occasionnels. Deux mondes les séparent. J'accepterais volontiers que le gouvernement se montre financièrement plus souple à l'endroit des occasionnels, question de leur permettre un peu de rattrapage.

De plus, je ne suis absolument pas contre un réaménagement salarial qui réduirait le revenu des gros salariés du secteur public au profit des petits salariés... Autre solution pour augmenter, cette fois, le revenu net de tous les syndiqués? Réduire le coût des cotisations syndicales... S'cusez-moi, c'est irréaliste et anti Front commun!

Comme solution pour trouver l'argent nécessaire à leurs demandes syndicales, des syndiqués proposent au gouvernement de couper dans les subventions aux entreprises, les dépenses de travaux publics, les contrats de services externes, etc.

Il y a un problème majeur: comme la rémunération des quelque 550 000 employés de l'État québécois représentent 55% des dépenses totales des programmes, le gouvernement du Québec se retrouve avec une marge de manoeuvre fort limitée pour couper dans les dépenses gouvernementales restantes.

Lors de l'année financière allant du 1er avril 2004 au 30 avril 2005, le gouvernement du Québec a consacré une somme globale de 26,5 milliards de dollars à la rémunération de ses employés. Cinq ans plus tard, soit pour la présente année qui se terminera le 30 avril prochain, la rémunération des employés de l'État atteindra 32,8 milliards, soit une hausse de 6,3 milliards ("23,8%).

Pour les trois prochaines années, le Front commun des syndiqués de l'État réclame des hausses totales de 3,2 milliards. Et ainsi, selon les prétentions du Front commun, cela mettra «un frein au désengagement continu de l'État à l'égard des services publics, plus nécessaires que jamais en cette période d'instabilité économique».

Les doléances

«Je songe sérieusement à contacter votre employeur pour lui suggérer de sabrer dans votre salaire, environ de 20% comme la fonction publique au début des années 80», me lance la fonctionnaire Élizabeth. «Vous parlez à travers votre chapeau, monsieur, puisque les salaires de la fonction publique depuis les coupures sont inférieurs à ceux octroyés dans le secteur privé. L'économie reprend, alors je refuse un gel de salaire pour trois ans.»

«Prenez-vous en aux hauts dirigeants avec leurs primes de départ, leurs comptes dépenses exorbitants, leurs pensions à vie après deux mandats! Eux, monsieur, ce ne sont pas des petits fonctionnaires qui gagnent 37 000$ comme agent de bureau ou 47 000$ comme technicien au top échelon! N'oubliez pas que ce sont eux qui vous donnent les services! Pour le même diplôme, nous gagnons moins que les employés des commissions scolaires et du ministère de la Santé et des services sociaux.»

Jean-François Lapierre travaille comme professionnel pour la fonction publique.

Il affirme que les employés de la fonction publique sont aujourd'hui moins bien rémunérés que ceux du secteur privé, même en incluant les avantages sociaux.

«Si on n'offre pas de bonnes conditions aux employés du secteur public, dit-il, beaucoup d'employés de la fonction publique (professionnels, cadres et personnel de soutien) quitteront pour le privé... La société va devoir choisir ce qu'elle veut vraiment: payer pour des services de qualité ou obtenir des services à rabais, avec qualité à rabais...»

La recette de Steves Labelle: «Les compagnies doivent aussi faire leur part... et la solution de plusieurs spécialistes est souple et douce: l'imposition automatique aux compagnies d'un impôt (très) minime de 1% des revenus... Cela assurerait des revenus de milliards aux gouvernements.... Que font présentement les compagnies à part de profiter de la récession pour couper dans le maigre... et créer des burn-out et autres maladies professionnelles...»

Marie-Thérèse Dreux, enseignante: «Je crois que vous êtes à côté de vos souliers. Réfléchissez avant d'écrire n'importe quoi. Vous devriez aller voir dans les écoles... Pourquoi change-t-on le mobilier des bureaux dans les écoles au lieu d'acheter des dictionnaires et des livres de grammaire? Pourquoi y a-t-il tant de monde dans les Commissions scolaires, au ministère de l'Éducation et si peu dans les écoles? Je crois que l'argent est très mal dépensé.»

«Est-ce que les fonctionnaires chipotent sur votre salaire et vos augmentations, me lance Michel Grenier. Ce discours de faire payer les employés du secteur public à chaque fois que les finances publiques vont mal est trop facile. Le problème est ailleurs. Ça ne sert à rien de punir ceux qui servent les citoyens car, ne vous y trompez pas, ceux qui écopent sont les petits salariés.»

Rosaire Trucotte en a marre et m'accuse de manquer de rigueur. «Je suis préposé aux bénéficiaires. Je gagne 32 000$ par année depuis 15 ans. À chaque négociation, le gouvernement nous répète qu'il n'a pas d'argent, crise économique ou pas. Les gens dompent leurs parents dans les centres d'hébergement. Nous tenons le système de santé depuis des années.»

Le mot de la fin à M. Tremblay, un fonctionnaire qui se définit comme «gendarme» dans le secteur financier.

«Vous tombez volontairement dans la simplicité. Quand l'économie va bon train, ce n'est pas le temps d'augmenter les employés de la fonction publique. Quand ça va mal et que des gens perdent leurs emplois, ce n'est pas encore le temps d'augmenter les salaires. Cou'donc, c'est quand le temps d'augmenter les salaires?»