La semaine s'est terminée sur un feu d'artifices de bonnes nouvelles.

Hier, le Conference Board du Canada a publié des perspectives roses pour l'économie. Cet institut de recherche prévoit que le Canada rebondira avec encore plus de force l'an prochain, avec une croissance de son produit intérieur brut de 2,9%.

Jeudi soir, Google dévoilait les profits les plus reluisants de ses 11 années d'histoire pour un troisième trimestre. Son bénéfice net s'est élevé à 1,64 milliard US, en hausse de 27% par rapport à la même période il y a un an.

Plus tôt en journée, ce sont les ventes immobilières au pays qui faisaient la manchette. Jamais ne s'est-il vendu autant de résidences durant l'été. Ainsi, le prix moyen d'une maison au pays a grimpé de 11% pour s'établir à 327 736$.

Nous devrions tous avoir le sourire fendu jusqu'aux oreilles. Et pourtant, certains dirigeants d'affaires sont beaucoup plus circonspects, et ce ne sont pas des dépressifs saisonniers en manque de soleil et d'oméga 3.

Ce sont les chefs de file de l'industrie du transport. Cette reprise, ils ne sentent pas ou si peu qu'ils n'ont pas encore le coeur à célébrer. Du lot se trouvent les patrons du Canadien Pacifique, du Canadien National et du Port de Vancouver.

«Je n'ai rien vu qui me permette de croire qu'il y ait une reprise substantielle et soutenue en cours. Personnellement, je ne crois pas que nous ayons fini de sombrer», a dit Fred Green, chef de la direction du Canadien Pacifique lors d'une conférence prononcée le mois dernier.

Claude Mongeau, qui prendra la direction du Canadien National en janvier, croit que le pire est sans doute passé. Mais sur la vigueur de cette reprise, il reste prudent. «Il y a encore un risque de faux départ. Et, à tout événement, nous ne sommes pas d'avis au CN que la reprise sera très rapide», a dit le chef de la direction financière du transporteur montréalais lors de la même conférence.

Nouveau PDG de Port Metro Vancouver, le plus grand port au pays, Robin Silvester se qualifie, lui, de «prudemment optimiste». Ce grand gaillard voit poindre une reprise, mais pas dès l'an prochain.

«Les choses se sont stabilisées. Au moins, elles ne vont pas de mal en pis. Mais, il est beaucoup trop tôt pour dire que les affaires reprennent», a-t-il dit récemment en entrevue avec La Presse Affaires.

Ainsi, on a beau parler de livres numériques et de commerce de détail électronique, le transport de marchandises reste un baromètre assez fidèle de l'économie et du commerce international. Une économie qui, à la veille de l'arrivée des livraisons pour Noël, n'est pas encore guérie.

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Dans son bureau vitré du Canada Place, au centre-ville de Vancouver, Robin Silvester a une vue imprenable sur les grues, les quais et les conteneurs multicolores qui bordent Burrard Inlet. Mais, depuis que la récession s'est installée, les activités portuaires sont anormalement tranquilles.

Lointaine est la congestion sur les quais dont mon collègue Richard Dupaul faisait état dans une série d'articles en 2005.

Entre janvier et août, le transport de marchandises mesuré en tonnes métriques accuse un retard de 14,1% par rapport à la période correspondante de 2008. Quant au trafic conteneur, il accuse une baisse de 16% depuis le début de l'année comparativement à l'année passée.

Tout n'est pas noir. Mais les expéditions de céréales (+41%) et de produits pétroliers (+34%) ne contrebalancent pas les chutes observées dans le transport de fertilisants (-49%), de produits chimiques (-39%) et de produits forestiers (-27%).

Clients du port, les armateurs sont en bien mauvaise posture. Durant les belles années, ils ont commandé quantité de vraquiers, de porte-conteneur et de bateaux de croisière, navires qui, dans bien des cas, n'ont pas encore été livrés.

«Il y a une surcapacité significative qui mettra des années à se résorber», note Robin Silvester.

Pour accommoder les armateurs mal en point et attirer une plus grande part de trafic, certains ports de la Côte ouest ont décidé d'offrir de nouveaux incitatifs. Par exemple, le port de Seattle a consenti des rabais à tout armateur qui accroît le volume de marchandises ou de conteneurs manutentionné sur ses quais.

Toutefois, le port de Vancouver, le quatrième en Amérique du Nord et le troisième de la côte ouest selon le trafic conteneur, avec une part de marché de 13,6%, a refusé d'emboîter le pas à Seattle. «Nous ne voulons pas déclencher de guerre de prix», dit Robin Silvester.

Pareil rabais, explique le PDG du Port de Vancouver, aurait compromis la capacité de Port Metro Vancouver d'investir dans ses infrastructures.

Vancouver entend y consacrer 4 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. Malgré la récession, ce montant reste inchangé, même si certains projets seront repoussés de quelques années, comme la construction d'un deuxième terminal pour conteneurs au Delta Port, qui attendra 2020.

«Nous avons stratégiquement choisi de développer nos infrastructures, afin que nous soyons fin prêts lorsque la reprise se concrétisera.»

Que la galère se termine demain ou l'an prochain, le Port de Vancouver n'attend plus que le trafic revienne sur ses quais.