Statistique Canada a diffusé hier deux documents mensuels importants : l'enquête sur la population active et les données sur le commerce international.

Les médias accordent généralement beaucoup plus d'attention à la première enquête, puisqu'elle fournit un portrait complet et facile à comprendre du marché du travail : taux de chômage, nombre d'emplois créés ou perdus, ventilations détaillées.

Cette fois-ci, c'est différent. Les derniers chiffres sur le commerce international constituent, et de loin, la nouvelle la plus spectaculaire du jour.

Et ce n'est pas une bonne nouvelle.

Les exportations canadiennes continuent de chuter. En août, la valeur des exportations canadiennes à l'étranger, surtout aux États-Unis, a atteint 29 milliards ; en même temps, les Canadiens ont importé pour 31 milliards de biens. Il en résulte un déficit commercial mensuel de 2 milliards, de loin le plus élevé de toute l'histoire.

L'impact du libre-échange

Le Canada a toujours été habitué à de solides surplus commerciaux, qui ont d'ailleurs atteint des niveaux inégalés dans les années qui ont suivi la signature de l'accord de libre-échange avec les États-Unis. En 1988, année de l'entrée en vigueur de l'accord, les exportations canadiennes aux États-Unis se situaient à 10,7 milliards ; elles dépassaient le cap des 108 milliards en 2005 ; depuis ce temps, notamment en raison de la force du dollar canadien et de la crise financière aux États-Unis, elles ont sensiblement reculé à 89 milliards l'an dernier, ce qui n'est quand même pas rien. C'est une bonne chose : chaque dollar d'exportations contribue à maintenir ou à créer des emplois de ce côté-ci de la frontière.

Or, les chiffres montrent que, pour les huit premiers mois de l'année, le solde commercial se détériore à une allure affolante.

Certes, de janvier à août 2009, le Canada parvient toujours à dégager un surplus dans ses échanges avec les États-Unis : 22 milliards. Cela paraît gros, mais en réalité, c'est une catastrophe. L'an dernier, pour la même période, le surplus dépassait les 67 milliards. Autrement dit, un des grands atouts traditionnels de l'économie canadienne, son surplus commercial avec les États-Unis, est en train de voler en éclats.

Le Canada, d'autre part, est chroniquement déficitaire avec les autres pays du monde. Mais son surplus avec les Américains était tellement colossal qu'il parvenait largement à effacer ce déficit. Ainsi, l'an dernier, comme on vient de le voir, le surplus avec les États-Unis atteignait 89 milliards. En revanche, il y avait un déficit de 42 milliards avec le reste du monde. Au net, cela laisse donc un surplus de 47 milliards.

Le drame, cette année, c'est qu'avec l'effondrement des ventes aux États-Unis, on ne peut plus compter sur les Américains pour effacer notre déficit ailleurs. Ainsi, de janvier à août, le déficit commercial, toutes destinations confondues, a atteint quatre milliards, dont la moitié pendant le seul mois d'août.

Le déficit record du mois d'août pourrait difficilement être attribué à la force du dollar canadien. Pendant le mois, la valeur du huard est passée de 89,1 à 91,9 cents. Cette hausse est largement insuffisante pour expliquer l'effondrement des ventes. Il faut davantage y voir l'impact des difficultés considérables que doivent affronter les consommateurs et les entreprises américaines par les temps qui courent.

Et le pire est possiblement à venir.

Aujourd'hui, le huard frise les 96 cents et plusieurs économistes pensent qu'il atteindra la parité avec le dollar américain d'ici quelques mois. À de tels niveaux, l'impact négatif sur les exportations est inévitable.

En décembre prochain, lorsque Statistique Canada publiera les données du commerce international pour le mois d'octobre, il y a tout lieu de penser que le déficit continuera de grossir.

Dans ces conditions, à moins d'un revirement de situation aussi spectaculaire qu'inattendu, il faut déjà anticiper un déficit commercial pour l'ensemble de 2009. Si cela se produit, ce sera la première fois en 34 ans !

L'impact sur l'emploi n'est pas immédiat.

Ainsi, les résultats de l'enquête sur la population active montrent que l'économie canadienne a créé 92 000 emplois à temps plein en septembre. De loin les résultats les plus encourageants depuis le début de la crise. En fait, du jamais vu depuis mai 2006.

Cette bonne nouvelle est cependant assombrie par la suppression de 61 000 emplois à temps partiel, particulièrement chez les jeunes, chez les femmes, et en Ontario.

Au Québec, le taux de chômage est passé de 9,1 à 8,8 %, mais ce n'est pas une bonne nouvelle. L'économie québécoise a gagné 8000 emplois à temps plein, mais en a perdu 12 000 à temps partiel, de sorte qu'il y a au total 4000 chômeurs de plus. Si le taux de chômage a baissé malgré ces pertes d'emplois, c'est parce qu'en plus des 4000 Québécois qui ont perdu leur emploi, 12 000 chercheurs d'emploi ont baissé les bras et sont allés rejoindre les rangs des chômeurs découragés et des assistés sociaux. Voilà pourquoi une baisse du taux de chômage peut camoufler un drame.

À plus long terme, le marché du travail québécois, comme dans le reste du Canada, risque fort de se détériorer à mesure que les ventes canadiennes aux États-Unis poursuivront leur dégringolade. C'est le temps d'allumer des cierges en espérant que les Américains se sortent rapidement du pétrin.