Samedi dernier, j'écrivais que le poids économique du Québec est en constante diminution depuis une dizaine d'années, notamment en raison de son déclin démographique et de la faiblesse de ses gains de productivité.

Concrètement, cet appauvrissement relatif ne se traduit toutefois pas par une baisse de la rémunération hebdomadaire moyenne. Si on tient compte des hausses salariales et de l'inflation depuis 1998, la rémunération réelle a augmenté de 3,6% au Québec, à quelques poussières de la moyenne canadienne de 3,7%. En Ontario, le chiffre correspondant est de 2,5%. Par rapport à leurs voisins, les travailleurs québécois ne s'appauvrissent donc pas tant que cela.

Cette chronique m'a valu un abondant courrier. Vous êtes nombreux à me reprocher de ne pas avoir tenu compte de la fiscalité. Quelques exemples:

«Est-ce que de plus grosses charges sociales réduisent le pouvoir d'achat du contribuable et l'appauvrissent plus que les contribuables des autres provinces?» demande M. Thibault.

«Je crois qu'il manque un aspect important que vous n'avez pas considéré. C'est le niveau de taxation au Québec», ajoute M. Abilmouna.

«Vous ne parlez pas des impôts, taxes, contributions, frais de toutes sortes auxquels sont assujettis les contribuables du Québec. Pourriez-vous écrire sur le sujet afin que nous ayons un portrait un peu plus réaliste de la situation?» conclut M. Geoffrion.

Chers lecteurs, vous avez tous raison. Les chiffres de ma chronique de samedi étaient basés sur les données de l'Institut de la statistique du Québec, qui calcule la rémunération hebdomadaire moyenne avant impôts.

Or, il se trouve précisément que les contribuables québécois demeurent surtaxés si on les compare à ceux des autres provinces.

L'Institut Fraser publie chaque année une comparaison interprovinciale du fardeau fiscal.

Pour déterminer l'ampleur du fardeau fiscal, on ne tient pas seulement compte de l'impôt sur le revenu, mais aussi de tout ce que les contribuables paient aux administrations publiques: taxes de vente, taxes spécifiques (essence, tabac, alcool, accise), contributions sociales, impôts fonciers.

Excluant les redevances sur les ressources, le ménage canadien de deux personnes paiera en moyenne 37 200$ (1) en taxes et impôts de toutes sortes en 2009.

Ce montant varie beaucoup d'une province à l'autre. La famille terre-neuvienne paie en moyenne 25 100$, et la famille albertaine, presque deux fois plus, soit 43 300$. Cela ne veut pas dire que les taxes sont plus élevées en Alberta.

L'Albertain paie plus d'impôts et de taxes parce qu'il est plus riche.

Pour avoir un portrait plus juste, il faut tenir compte de l'ensemble des revenus des ménages: ainsi, le fardeau fiscal de 43 300$ assumé par le ménage albertain représente 35% de ses revenus. À Terre-Neuve, les taxes et impôts de 25 100$ représentent 40% des revenus moyens des ménages. Toutes proportions gardées, le Terre-Neuvien est donc plus taxé que l'Albertain.

Le ménage québécois, lui, doit assumer un fardeau de 33 200$, ou 44% de son revenu. C'est le pourcentage le plus élevé au Canada, et forcément le plus élevé en Amérique, puisque les impôts aux États-Unis sont sensiblement plus bas qu'au Canada.

Les chiffres que nous venons de voir concernent les taxes et impôts perçus par tous les niveaux de gouvernement. Les taux de l'impôt fédéral et de la TPS sont les mêmes dans toutes les provinces. Les impôts municipaux et scolaires varient beaucoup (de 900$ à Terre-Neuve à 3300$ en Colombie-Britannique), mais cela a peu d'importance: ces impôts constituent en moyenne moins de 8% du fardeau fiscal global.

Ce qui fait une grosse différence, par contre, ce sont les impôts provinciaux (impôts sur le revenu, taxes de vente et taxes spécifiques, principalement).

À cet égard, le Québec forme une société distincte (sur un pied d'égalité avec Terre-Neuve). Le ménage québécois envoie en moyenne 20% de son revenu, soit 14 700$, au gouvernement provincial sous toutes sortes de formes de taxes et d'impôts. C'est le montant le plus élevé au Canada. À l'autre bout de l'échelle, l'Albertain s'en tire avec 13 000$, ou 11% de son revenu.

Malgré les récentes baisses d'impôts au Québec et hausses en Ontario, l'écart entre les deux provinces demeure important.

Un ménage de deux personnes, l'une gagnant 40 000$ et l'autre 30 000$ (nous sommes loin de parler ici de millionnaires), paiera 10 300$ d'impôts provinciaux en Ontario, contre 13 800$ au Québec. Cela donne aux Ontariens près de 300$ de plus par mois pour épargner ou dépenser.

(1) Les chiffres de Fraser sont précis au dollar près; je les ai arrondis afin de faciliter la lecture du texte.