L'euphorie boursière étant de retour, voilà pourquoi les firmes de courtage courtisent de nouveau leurs clients avec une avalanche de nouvelles émissions publiques d'actions, dont l'éventail va de Dollarama (la chaîne à 1$) jusqu'à Barrick, la plus grande aurifère au monde.

Les courtiers souhaitent ainsi convaincre leurs clients de réinvestir dans le marché boursier une partie des dizaines et dizaines de milliards de dollars de liquidités traînant encore dans les comptes de courtage à la suite de la gigantesque déconfiture boursière qui a frappé les marchés jusqu'au début de mars dernier.

Entre investir dans une société comme Dollarama, qui en est à son premier appel public à l'épargne, et dans Barrick, qui a une très longue feuille de route boursière, force est d'admettre qu'on n'est pas en présence du même niveau de transparence entre ces deux entreprises.

Chose certaine, ce n'est pas en se contentant des informations publiées dans le prospectus provisoire de Dollarama qu'un investisseur peut investir en toute connaissance de cause dans cette société. Il y manque une foule de renseignements de haute importance, tels: le prix de l'action, le nombre d'actions émises, les positions respectives des principaux actionnaires après l'émission publique, etc.

Conséquemment, l'investisseur qui place actuellement auprès de son courtier un ordre d'achat dans le cadre de cet appel public à l'épargne de Dollarama ne peut aucunement savoir s'il va acquérir des actions à prix surévalué ou pas.

Notez ici que l'incomplet prospectus provisoire de Dollarama n'est pas un «cas» particulier. C'est le propre de tous les prospectus provisoires d'être incomplets. Et il n'y a rien à faire puisque cela fait partie du processus autorisé par la Loi sur les valeurs mobilières pour commencer à solliciter les investisseurs dans le dessein de leur vendre des actions d'une nouvelle émission.

Pour éclairer davantage leurs clients privilégiés (lire les gros investisseurs privés et les investisseurs institutionnels tels les fonds communs et les caisses de retraite), les firmes de courtage disposent cependant d'un document secret (appelé green sheet) dans lequel on donne une multitude de précisions fondamentales (prix de l'action, bénéfice par action, nombre d'actions émises, etc.) que l'on ne retrouve pas dans le prospectus provisoire.

Ainsi, dans le cas de Dollarama, le green sheet révèle notamment que les actions seraient émises à un prix allant de 16 à 18$. L'objectif de l'émission: récolter 300 millions de dollars.

Comme quoi dans le merveilleux monde de la Bourse, il y a toujours deux classes d'actionnaires: le monde ordinaire avec ses «ti-culs» de la Bourse et le monde éclairé avec ses investisseurs institutionnels et ses investisseurs privilégiés tels les initiés des entreprises et les gros investisseurs privés.

Quoi qu'il en soit, c'est la réalité boursière. On a le choix de bouder la Bourse ou de jouer le jeu... en espérant pouvoir s'y enrichir malgré nos limites.

Supposons que vous désirez tenter votre chance avec Dollarama, malgré les trous d'information que l'on retrouve présentement dans le prospectus provisoire. Et que vous demandez à votre courtier de vous réserver des actions pour une somme de 5000$.

Eh bien, sachez que vous avez le loisir de changer d'avis et de renoncer à l'ordre d'achat que vous avez placé auprès de votre courtier.

Voici pourquoi: pour émettre et vendre officiellement ses nouvelles actions, disons celles de Dollarama, un prospectus définitif doit être remis à chaque actionnaire. À la lecture de ce prospectus définitif, vous aurez l'heure juste sur tous les «trous d'information» que vous retrouviez dans le prospectus provisoire. Ainsi, vous serez en mesure de prendre une décision finale éclairée.

En vertu de la Loi sur les valeurs mobilières: «Toute personne qui souscrit ou achète des titres d'un courtier à l'occasion du placement d'une valeur peut résoudre (annuler) la souscription ou le contrat unilatéralement: il lui suffit de transmettre au courtier un avis à cet effet, dans les deux jours suivant la réception du prospectus ou de toute modification de celui-ci. La résolution opère de plein droit à compter de la réception de l'avis.»

Donc, après avoir reçu le prospectus définitif avec le relevé d'achat, les investisseurs ont deux jours pour joindre le courtier et résilier le tout.

Avis aux intéressés!