La consommation ne contribue qu'au tiers de l'économie en Chine. Mais Pékin veut tout mettre en oeuvre pour en faire un moteur de croissance, au côté des exportations.

On s'y attendait, mais la Banque asiatique de développement l'a confirmé la semaine dernière: l'Asie est en passe de conduire la reprise de l'économie mondiale. La région est même «plus résistante qu'on ne croyait», si bien que la Banque doit réviser à la hausse ses prévisions.

Ainsi, la croissance économique de l'Asie (hors Japon) sera de 3,9% cette année (contre 3,4% auparavant) et de 6,4% l'an prochain. Et, sans surprise, elle sera tirée par la Chine ("8,2% en 2009 et "8,9% en 2010), qui profite de son super plan de relance de 4000 milliards de yuans (700 milliardsCAN).

Mais la Banque lance aussi cet avertissement: «La reprise reste fragile et exposée à des risques importants», souligne son économiste en chef, Lee Jong-wha. Il ne faudrait surtout pas, insiste-t-il, que les gouvernements «tirent à la hâte sur les tapis des soutiens budgétaires et monétaires».

Plus important encore, la Chine a besoin d'une demande intérieure beaucoup plus forte, ajoute-t-il, pour compenser sa dépendance aux exportations. Autrement dit, il faut en faire plus pour les consommateurs.

Chômage et épargne élevés

Le rebond de l'économie chinoise a été exceptionnel depuis six mois. Mais le choc de la crise financière a révélé sa grande dépendance au commerce international.

Elle a vu son principal moteur de croissance s'enrayer: les exportations ont fondu de 23% (sur un an) en juillet. Un plongeon qui, n'eût été le plan de relance actuel, aurait eu des conséquences dramatiques pour ce pays, dont le tiers de l'économie dépend du marché extérieur.

Face au commerce international amorphe, les licenciements se sont multipliés: par exemple, plus de la moitié des 3900 fabricants de jouets de la région de Guangdong ont mis la clé sous la porte avant Noël. Le chômage, en dépit de ce que disent les chiffres officiels, reste élevé en Chine, selon diverses sources.

L'État doit désormais se tourner vers le marché intérieur. Avec 1,3 milliard d'habitants, le pays a un potentiel énorme. Surtout que les classes riche et moyenne regroupent 430 millions de personnes, selon une étude de HEC Eurasian Institute.

Ce potentiel reste cependant inexploité. La part de la consommation dans l'économie chinoise a même baissé depuis un an, pour tomber à 35%. C'est la moitié moins qu'aux États-Unis.

Les Chinois, qui n'ont pas de filet social valable pour se prémunir contre les imprévus, préfèrent mettre de l'argent de côté: l'épargne représente près de 40% du PIB (contre environ 5% aux États-Unis) - un taux économiquement insoutenable.

Autos, électros, etc.

Le premier ministre chinois, Wen Jiabao, ne cache pas son inquiétude. Il y a quelques jours, il a évoqué une croissance «instable, déséquilibrée et pas encore solide» dans son pays.

L'actuel plan de relance de Pékin fonctionne. Mais il vise surtout l'industrie lourde en allouant des sommes colossales aux infrastructures du pays.

Le gouvernement a ouvert les vannes du crédit, l'hiver dernier, pour stimuler les ventes d'électroménagers et de voitures. D'ailleurs, les ventes d'autos en Chine ont dépassé celles des États-Unis, faisant du géant asiatique le plus grand marché automobile au monde.

Mais cela n'est pas une solution durable. La banque française Natixis est d'ailleurs persuadée que Pékin prépare un grand coup: après un premier plan de relance axé sur l'industrie, le gouvernement envisage une nouvelle politique qui cible cette fois le consommateur et la création d'emplois, avance la banque dans une étude.

Le McKinsey Global Institute y va même d'une suggestion: «Les banques (chinoises) devraient soutenir davantage le secteur des services et les PME», car «l'économie crée trop peu d'emplois pour sa taille et son taux de croissance». De cette façon, on pourrait doubler les dépenses de consommation en Chine d'ici à 2025, estime le groupe de recherche.

Pour le moment, cependant, les Chinois continuent de produire et produire encore pour les Occidentaux étouffés par leurs dettes.

Or, la Chine a besoin d'un nouveau modèle de croissance. Certes, il faudra du temps pour le mettre en place, car cela implique la participation de 1,3 milliard de consommateurs. Mais, comme le dit un vieux proverbe chinois, «qui veut gravir une montagne commence par le bas».