Les signes de reprise se multiplient aux États-Unis. Mais les Américains hésitent à dépenser et seuls les riches arrivent à épargner, disent des experts. Les autres s'appauvrissent.

Le ciel économique se dégage aux États-Unis: regain de vie de l'immobilier, moral des ménages à la hausse, remontée des Bourses, etc. De bonnes nouvelles dans l'ensemble.

Mais un nouveau sondage rappelle que des nuages se profilent à l'horizon et que la remise en marche de la grosse machine américaine prendra du temps.

Ainsi, selon une enquête Bloomberg, les Américains comptent toujours restreindre leurs dépenses dans l'avenir, contribuant à freiner l'élan d'une économie qui dépend à 70% de la consommation.

Seulement 8% des répondants prévoient augmenter leurs dépenses durant les prochains mois, tandis que près du tiers veulent encore les réduire.

Donc, pas de ruée en vue dans les magasins. Une autre douche froide pour les commerçants, surtout que trois Américains sur quatre ont réduit leurs dépenses l'an dernier, toujours selon ce sondage.

Pourtant, les ventes au détail ont rebondi de 2,7% en août, a révélé le Washington Post la semaine dernière. Un regain de vie, certes, mais surtout alimenté par le programme fédéral de mise à la casse, qui a stimulé les ventes d'automobiles. De toute évidence, le sondage Bloomberg confirme que les Américains n'ont pas l'esprit à la fête.

Ce coup de sonde renforce aussi l'impression que les Américains ont plus envie d'épargner après le choc provoqué par la crise financière. Après être descendu autour de 1,75% il y a deux ans, le taux d'épargne frôle en effet les 5%, selon les données récentes.

Les économistes, qui reprochaient aux Américains de vivre à crédit, les accusent aujourd'hui de jouer les fourmis. À en croire les statistiques, le mot d'ordre dans les chaumières est: on regarnit les coffres, les dépenses viendront plus tard.

Sauf que rien n'est plus incertain. Car l'Américain moyen n'épargne pas. Il arrive à peine à joindre les deux bouts.

Qui épargne?

L'économiste Sherry Cooper, du Groupe BMO (Banque de Montréal), s'est penchée sur les finances des ménages américains. Ce qu'elle a découvert est troublant.

En se basant sur les données les plus récentes, datant de 2007, Mme Cooper rappelle d'abord dans une étude que la répartition de la richesse aux États-Unis est lamentable.

La tranche de 1% des contribuables les plus fortunés accapare près du quart (24%) des revenus nationaux. En élargissant le clan des favorisés, le déséquilibre est encore plus profond: 10% des Américains empochent presque la moitié de tous les revenus - un sommet depuis que l'État a commencé à compiler ces données, en 1913.

Or, cela indique «qu'une petite portion des ménages a la capacité d'épargner», affirme Mme Cooper, mettant en doute l'idée reçue qu'une majorité d'Américains met actuellement de l'argent de côté.

À cet égard, l'économiste a fait un petit exercice comptable: si 1% des Américains les plus nantis consacraient à l'épargne le quart de leurs revenus (de 1,4 million US en moyenne), cela dépasserait tout l'argent épargné par la population américaine.

Ce qui signifie que 99% des Américains ont toujours un taux d'épargne négatif, soit de -1 à -1,5%, au lieu du taux officiel de 5%. «Autrement dit, les super riches ont la capacité d'embellir les chiffres», dit Mme Cooper.

La remontée de la Bourse n'entraîne-t-elle pas un enrichissement des ménages, comme l'a indiqué un rapport de la Réserve fédérale la semaine dernière? À nouveau, les chiffres sont trompeurs, car l'embellie boursière profite surtout à une petite partie de la population.

Plus pauvres

L'analyse de Mme Cooper est d'ailleurs conforme au portrait que brosse l'Office américain du recensement.

Le revenu moyen des Américains tend à diminuer, avec un repli de 3,6% l'an dernier. Et la pauvreté augmente: 13,2% des citoyens sont démunis, un sommet en 11 ans. (Le seuil de pauvreté est fixé à 11 000$US de revenu annuel pour une personne seule.) Au total, 40 millions d'Américains sont pauvres!

Au final, il faut en conclure que la classe moyenne américaine ne dort pas sur une pile de billets verts qui, dans un proche avenir, pourrait servir à propulser soudainement la consommation. Il faudra donc une reprise de l'emploi pour réellement relancer la machine.

Dès lors, on comprend mieux l'ex-président de la Réserve fédérale, Paul Volcker, qui a remis les pendules à l'heure la semaine dernière.

Selon lui, l'économie américaine mettra «des années» à revenir à ce qu'elle était avant la crise. Et sa remise en marche nécessitera un «travail ardu». Au moins 40 millions d'Américains seront d'accord avec cela.