L'Australie continue de surprendre, avec une croissance économique trois fois plus forte que prévu. Mais le pays des kangourous s'apprête à hausser les taux d'intérêt pour freiner son élan. Un geste annonciateur de ce qui nous attend.

Les Britanniques appellent l'Australie «le pays le plus chanceux du monde». Peut-être à cause du soleil abondant...

Les Australiens ont aussi, dans l'univers anglo-saxon, la réputation d'être têtus.

Deux épithètes, teintées d'humour certes, mais qui s'appliquent fort bien ces temps-ci au «Pays d'en dessous» - «The land down under» dans la langue de Crocodile Dundee.

 

Chanceux en effet. On a appris la semaine dernière que l'Australie vient de clore un deuxième trimestre consécutif de croissance, à 0,6%. Un taux trois fois meilleur que prévu par les économistes!

Le pays des kangourous a carrément sauté par-dessus la récession. Avec un PIB en hausse de 1,0% durant les six premiers mois de 2009, l'Australie est l'une des nations riches qui ont le mieux résisté à la crise financière. Par comparaison, l'économie britannique s'est enfoncée de 5,5% au deuxième trimestre.

Têtus aussi. Alors que le reste de la planète était terrassé par la crise, en avril, le premier ministre australien Kevin Rudd a fait ce que tout bon chef d'État devait faire: il a dit aux Australiens de se préparer à une «inévitable récession», la première en 17 ans.

Or, à voir leur dernier bilan économique, les Australiens ne voulaient rien entendre d'un tel discours.

Leur entêtement était d'ailleurs apparent cet été: en pleine déroute immobilière mondiale, les permis de construction ont bondi de 7,7% et 9,9% en juillet et en juin respectivement. Encore une fois, la performance australienne est trois fois supérieure aux prévisions, souligne l'agence Bloomberg.

Taux très bas

Pourtant l'Australie, une économie en grande partie dépendante de ses ressources naturelles comme le Canada, n'a pas d'arme secrète contre les récessions.

Le moteur de la reprise australienne - une politique monétaire expansionniste qui a ramené les taux d'intérêt à un creux de 49 ans - est une copie conforme de la stratégie des autres pays.

Idem pour les allégements fiscaux et les remboursements d'impôt, qui visent à stimuler la consommation. Et comme les autres pays, l'Australie se dirige vers un déficit budgétaire record cette année.

À la différence des Américains et des Européens cependant, l'Australie dispose d'un système bancaire solide et, surtout, encore actif sur le marché du crédit. Un atout important, qui a permis au secteur immobilier mais aussi aux consommateurs de mieux traverser la récession. À preuve, les ventes au détail ont grimpé de 0,8% au deuxième trimestre, la plus forte hausse depuis décembre 2007.

La Chine

Mais là où la chance favorise les «Ozzies», c'est sur le plan de leur situation géographique avantageuse par rapport à la Chine.

Principal fournisseur de métaux et de céréales du Dragon chinois, l'Australie est littéralement tirée par la plus grosse locomotive de la planète. Surtout, le Pays d'en dessous surfe sur le plan de relance de 700 milliards CAN de la Chine, lequel est neuf fois plus important que les mesures adoptées par Canberra pour contrer la récession.

La Chine est le deuxième partenaire économique de l'Australie, après le Japon, accaparant 15% de ses exportations. Mais les ventes à l'empire du Milieu augmentent d'environ 20% par an, ce qui en fait le marché le plus prometteur pour les exportateurs australiens.

«L'Australie est dans un endroit rêvé et les choses vont continuer de bien aller d'ici la fin de 2009», affirme la Société générale dans une étude.

Mais croissance oblige, l'Australie sera probablement le premier pays riche à relever ses taux d'intérêt, avertissent les experts.

Les indicateurs financiers évaluaient à 100%, vendredi, la probabilité que le taux directeur australien grimpe en novembre, pour passer de 2,75 à 3,25%. «Si la banque centrale se réunissait aujourd'hui, elle hausserait les taux», affirme Matthew Johnson, analyste de la banque UBS.

Le cas échéant, ce geste marquera un changement majeur, un avant-goût de ce qui nous attend dans l'hémisphère Nord.

Tôt ou tard, les gouvernements aux États-Unis, en Europe ou au Canada devront désactiver leurs mécanismes de relance pour prévenir une surchauffe économique. Tout le monde attend ce repli stratégique avec appréhension.

Pour le moment, la réaction des marchés financiers à l'inévitable coup de frein australien a été très modérée. Tant mieux. Mais les autres pays seront peut-être moins chanceux.