Quand une entreprise fait l'objet d'une tentative d'offre publique d'achat (OPA), l'Autorité des marchés financiers n'impose aucune restriction aux nouveaux avantages financiers que le conseil d'administration peut accorder aux dirigeants de la société en cas de changement de contrôle.

Appelée à commenter les nouvelles mesures financières mises en place par le conseil d'administration de Cossette Inc. pour gratifier ses hauts dirigeants, l'Autorité des marchés n'a rien à redire. Quelles sont ces nouvelles mesures que Cossette a adoptées depuis l'annonce, le 20 juillet dernier, de la tentative d'OPÀ du groupe Cosmos, laquelle tentative a été qualifiée de proposition «non sollicitée, très opportuniste et inadéquate», tout en sous-évaluant la valeur de l'entreprise? Ces mesures sont :

-Mardi 4 août: Cossette adopte un régime de droits des actionnaires dans le but de prévenir une prise de contrôle rampante. Les droits émis en vertu du régime de droits deviennent susceptibles d'exercice lorsqu'une personne, avec toute autre partie qui lui est reliée, acquiert ou annonce son intention d'acquérir 20 % ou plus des actions. L'exercice des droits se ferait à la moitié du prix des actions en circulation.

-Vendredi 7 août: Cossette octroie à son président et chef de la direction, Claude Lessard, un bloc de 200 000 options au prix de levée de 5,15$ l'action.

Lors de cette même journée, le conseil d'administration de Cossette annonce la mise sur pied d'un comité spécial chargé d'examiner la proposition de Cosmos et de passer en revue les options stratégiques pouvant s'offrir à Cossette. «Le conseil et le comité spécial sont fermement déterminés à créer et à maximiser la valeur pour les actionnaires de Cossette.»

-Vendredi 14 août : le conseil d'administration de Cossette annonce qu'il solliciterait activement des propositions auprès de tiers intéressés à acquérir la compagnie. La sollicitation est effectuée par BMO Marché des capitaux.

Depuis, Cossette a signé des ententes de confidentialité et de statu quo avec des sociétés intéressées et leur a donné « accès à une salle de données électroniques étendues et la possibilité d'effectuer un processus de vérification diligente détaillée « au sujet de l'entreprise.

Fait à noter: le groupe Cosmos crie à l'injustice puisqu'il n'a pas encore réussi à avoir accès à cette salle de données sur l'entreprise, soit ses livres et dossiers.

-Jeudi 27 août: Cossette annonce l'entrée en vigueur immédiate d'un programme de rétention pour ses dirigeants. Outre des indemnités de départ dans le cas d'une OPA, le programme comprend également des bonis de rétention pour des dirigeants (à l'exclusion de MM. Claude Lessard et Pierre Delagrave) totalisant environ 3 500 000 $. Ces bonis seront payables six mois après le changement de contrôle de la Compagnie.

Point important si une OPÀ ne se matérialise pas: «Si le conseil d'administration met fin à son processus de révision stratégique, il peut aussi décider, dépendamment des circonstances, de payer les bonis de rétention.»

Quelle est donc la position de l'Autorité des marchés financiers devant les diverses mesures mises de l'avant par l'administration de Cossette pour  protéger ses dirigeants contre une OPÀ  inappropriée à ses yeux?

En gros, l'AMF ne s'en mêle pas. «La rémunération de la haute direction d'une société publique (qu'elle soit sous forme de numéraires, d'options ou autre) et les mécanismes de rétention des hauts dirigeants relèvent essentiellement de la gouvernance d'entreprise, répond à <i><i>La Presse</i></i> Affaires, le porte-parole de l'AMF, Sylvain Théberge.

«Dans le cadre d'une OPA, ajoute-t-il, les administrateurs et dirigeants doivent exercer leurs pouvoirs de façon honnête et placer le meilleur intérêt de la société au premier plan. Ce faisant, ils doivent déterminer les meilleures mesures à prendre pour la société et ses actionnaires dans leur ensemble.»

Et que ce soit clair pour tout le monde : la rémunération de la haute direction d'une société inscrite en Bourse n'implique, ajoute M. Théberge, aucune intervention de l'AMF et ne fait l'objet d'aucune réglementation spécifique autre que celle reliée à la divulgation (Règlement 51-102).

Au sujet de l'octroi des options?  Le porte-parole de l'AMF rappelle que l'octroi doit respecter les exigences de la Bourse, tout en ajoutant : «Par ailleurs,  les options ne peuvent être émises lorsqu'il existe de l'information importante encore inconnue du public.»

Conclusion : si les actionnaires de Cossette trouvent que le conseil d'administration se montre trop généreux envers ses cadres et qu'il dilue la valeur de leurs actions, qu'ils ne comptent pas sur l'AMF pour les défendre et les appuyer.

Point à la ligne.