Les boursicoteurs ont beau se réjouir de la reprise économique en Chine, le regain pressenti des importations chinoises dérange en Occident. Si bien que certaines industries souhaitent déjà ériger de nouvelles barrières commerciales.

Les gens d'affaires aiment bien les success stories, mais nettement moins lorsqu'ils sont les perdants de ces histoires.

Ainsi, la reprise économique, qui s'accélère en Chine, provoque un mélange de soulagement et d'appréhension en Occident.

Les investisseurs boursiers ont beau se réjouir de la forte croissance qui reprend ses droits en Asie, des industries aux États-Unis et en Europe craignent un regain de la concurrence chinoise et veulent ériger des digues contre le prochain raz-de-marée made in China, ce qui ne laisse rien présager de bon pour le commerce international.

Dans un lourd climat de récession, les plaintes contre les pratiques commerciales de divers pays se multiplient sur la planète économique.

Selon une étude américaine, les enquêtes sur des disputes commerciales ont augmenté de 12% dans le monde au deuxième trimestre 2009, sur une période d'un an. Mais elles ont presque doublé par rapport à la même période en 2007, au plus fort du boom asiatique.

Ces enquêtes font suite aux plaintes portées par des industries, qui demandent de nouvelles restrictions commerciales pour protéger leur marché. Et, drôle de coïncidence, 80% des enquêtes récentes portent sur des importations en provenance de la Chine.

Selon l'auteur de l'étude, Chad Brown, économiste rattaché à la Brookings Institution de Washington, les États-Unis et l'Inde ont porté le tiers des 35 plaintes commerciales acheminées à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) au dernier trimestre.

L'Union européenne a aussi imposé des droits antidumping à plusieurs reprises sur des biens chinois importés, allant des chaussures à l'acier. L'UE et les États-Unis ont en outre saisi l'OMC, en juin, des restrictions chinoises sur l'exportation de matières premières destinées à des aciéries occidentales.

Or, historiquement, les investigations de l'OMC présagent d'une remontée du protectionnisme. En effet, les plaintes contre les pratiques déloyales précèdent d'environ un an l'imposition de nouvelles restrictions commerciales.

Les erreurs du passé

Pourtant, l'histoire nous enseigne que le protectionnisme est l'une des pires choses à faire en période de récession. Un bel exemple à ne pas suivre: la loi Smoot-Hawley, une trouvaille des Américains conçue il y a trois quarts de siècle pour sortir leur pays de la Grande Dépression.

En juin 1930, à peine neuf mois après le krach boursier à Wall Street, le représentant au congrès W.C Hawley et le sénateur Reed Smoot, deux républicains, ont fait adopter une loi qui augmentait les tarifs à un taux record sur plus de 20 000 produits importés.

Des centaines d'économistes avaient pourtant signé une pétition dénonçant ce geste. Car, comme prévu, plusieurs pays ont riposté en érigeant leurs propres barrières commerciales. S'ensuivit une guerre commerciale aux effets désastreux: le commerce entre les États-Unis et l'Europe a chuté des trois quarts en deux ans. Et le commerce mondial a plongé de 66% de 1929 à 1934.

La loi Smoot-Hawley a été une grave erreur qui a exacerbé la récession, répètent les experts aujourd'hui. D'ailleurs, la reconnaissance de cette gaffe a mené à l'accord Bretton Woods, en 1944, qui assouplissait les tarifs sur les importations. Cette démarche allait ensuite aboutir, dans les années 50, sur l'accord du GATT et éventuellement sur l'OMC.

La semaine dernière, le grand patron de l'OMC, Pascal Lamy, a d'ailleurs demandé au monde d'être «vigilant» face à la montée du protectionnisme souvent associé aux plans de relance de certains pays, comme le Buy American Act.

L'Asie craint le pire

Le milieu des affaires en Asie craint d'ailleurs le pire.

Mercredi dernier, le Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) s'est réjoui du redressement économique en cours dans certaines régions. Du même souffle, l'organisme a toutefois soulevé des doutes quant à la solidité de cette reprise.

«Les principales menaces contre le regain des échanges commerciaux sont les pressions protectionnistes croissantes», mentionne le communiqué des 21 pays membres de l'APEC, dont fait partie le Canada

Selon l'OMC, le commerce mondial devrait subir une contraction d'environ 10% en volume cette année. Les pays développés verraient leurs échanges chuter de 14%, tandis que le recul des pays en développement serait limité à 7%.

Bref, les exportateurs en arrachent. Et aux yeux de Pascal Lamy, ce sont autant de bonnes raisons d'éviter un repli sur soi: «Une coopération internationale effective et des marchés ouverts sont aujourd'hui plus indispensables que jamais.»