Vous êtes découragés en voyant le solde impayé de votre carte de crédit? Consolez-vous, vous n'êtes pas les seuls. Récession ou pas, les Québécois continuent de s'endetter à un rythme affolant.

Selon des chiffres publiés cette semaine par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), l'endettement moyen de chaque Québécois, en 2008, a augmenté de 601$ pour atteindre 9691$. Il s'agit d'une hausse de 7%, trois fois l'inflation. Pire: cette hausse survient alors que le revenu personnel disponible n'augmente que de 4%. Autrement dit, les consommateurs québécois vivent au-dessus de leurs moyens.

Résultat: le taux d'endettement à la consommation, c'est-à-dire le pourcentage entre la taille du crédit et le revenu personnel disponible, atteint maintenant le niveau sans précédent de 38%.

Nous parlons uniquement ici de crédit à la consommation, ce qui inclut pour l'essentiel le solde impayé des cartes de crédit, les marges de crédit ainsi que les prêts personnels.

Les hypothèques sont exclues du calcul. L'hypothèque est une dette, certes, mais elle sert à augmenter le patrimoine immobilier de l'emprunteur. Sauf en de rares exceptions (heureusement, nous ne sommes pas aux États-Unis), la valeur marchande de la maison est supérieure, souvent largement supérieure, au solde de l'hypothèque, de sorte que l'emprunteur possède, au total, une valeur nette importante.

En temps de récession, les ménages ont tendance à moins utiliser leurs cartes de crédit. C'est normal: les gens ne sont pas certains de conserver leur niveau de revenus, voire de garder leur emploi. L'heure n'est pas à la dépense.

Ainsi, lors de la récession de 1981-1982, les consommateurs québécois ont réduit leur endettement, en moyenne, de 2%. Lors de la récession de 1990, on a observé une hausse de 3,5%. Mais une augmentation de 7% en pleine récession, comme en 2008, c'est du jamais vu.

La croissance de l'endettement à la consommation a connu une poussée fulgurante depuis un quart de siècle.

En 1981, l'ensemble des dettes des consommateurs québécois s'élevait à 8,9 milliards. En 2008, ce montant dépassait les 75 milliards, huit fois plus. Même en tenant compte de l'inflation, la progression est phénoménale. La hausse réelle, c'est-à-dire ajustée en fonction de l'indice des prix à la consommation, est de 324%!

Il va de soi que cette utilisation débridée des cartes de crédit a propulsé le taux d'endettement à la consommation à des niveaux record. On vient de le voir, ce taux se situe à 38%. Or, il était de seulement 14% en 1982. La détérioration a été particulièrement brutale au cours des cinq dernières années. En 2003, ce qui n'est pas si lointain, les dettes à la consommation se situaient à 46 milliards, ou 6191$ par habitant.

Comment expliquer cela?

«Traditionnellement, les ménages avaient tendance à se constituer un coussin d'épargne», observe James O'Connor, spécialiste de la question à l'ISQ. «C'était, si on veut, leur marge de manoeuvre. Aujourd'hui, on considère davantage que c'est la marge de crédit qui constitue la marge de manoeuvre. Sans doute que le rendement extrêmement faible des comptes d'épargne y est pour quelque chose.»

Toujours est-il que les Québécois ne présentent pas un cas unique. Ils peuvent même se consoler en pensant qu'ils demeurent légèrement moins endettés que les autres Canadiens.

Dans l'ensemble du Canada, le crédit à la consommation représente en effet 395 milliards, ou 11 868$ par habitant, pour un taux d'endettement de 42%.

Il faut cependant dire que, sur une longue période, la situation se détériore plus rapidement au Québec.

En 1981, l'endettement à la consommation au Québec se situait à 1358$ par personne au Québec, à seulement 70% du niveau canadien. En 2008, cette proportion est passée à 82%. C'est d'autant plus inquiétant que le revenu personnel disponible, au Québec, est de 11% inférieur à la moyenne canadienne.

Les Québécois, comme les autres Canadiens, continuent donc joyeusement de surcharger leurs cartes de crédit. Cela semble d'autant plus difficile à comprendre qu'un récent sondage mené par l'Association des comptables généraux accrédités du Canada (CGA) montre que les consommateurs semblent bien conscients du danger.

L'enquête nous apprend que 65% des Canadiens réalisent que leur endettement restreint leur capacité d'atteindre leurs objectifs financiers, et 84% des répondants se disent préoccupés par la hausse de l'endettement des ménages. Un Canadien sur cinq (21%) se dit dépassé par ses dettes, et se déclare incapable de les gérer.

Enfin, le niveau élevé d'endettement est accompagné d'un autre fléau: l'insuffisance de l'épargne. Toujours selon l'enquête des CGA, le tiers des ménages n'affecte aucune ressource à l'épargne; un ménage sur quatre, même en tenant compte de sa marge de crédit, serait incapable de faire face à une dépense imprévue de 5000$, et il s'en trouve même 10% pour qui une dépense inattendue de 500 $ poserait un grave problème financier.