On peut déjà prédire que l'impact de la crise économique sur le tourisme mondial sera catastrophique cette année.Selon la plus récente compilation de l'Organisation mondiale de tourisme (OMT), un organisme des Nations-unies dont la crédibilité est solidement établie, le nombre de touristes internationaux est en baisse de 7,7% pour les deux premiers mois de 2009, par rapport à la période correspondante l'an dernier. Il est très rare d'observer des chutes de cette ampleur.

Les recettes du tourisme international ont atteint près de 900 milliards l'an dernier (tous les montants, dans cette chronique, sont exprimés en dollars américains). Si les deux premiers mois de l'année sont représentatifs de la suite des choses, les pertes pourraient donc friser, à l'échelle de la planète, les 70 milliards, l'équivalent de plusieurs millions d'emplois.

Le secteur touristique a connu une croissance spectaculaire entre 1995 et 2007. Pendant ces douze années, le nombre de touristes internationaux est passé de 537 à 908 millions, une hausse annuelle moyenne de 5,5%.

L'industrie touristique a frappé un mur à compter de l'été 2008. L'année avait pourtant bien commencé, avec une hausse de 6% de janvier à juin, performance qui s'inscrivait tout à fait dans la moyenne des années précédentes. Mais dès que les premiers signaux du naufrage financier sont apparus, la situation a complètement changé. Les six derniers mois, qui comprennent notamment le «pic» de juillet et août, s'est traduit par un recul de 2%. Pour finir, l'année s'est soldée par une faible progression de 1,7%.

L'important recul de 7,7% observé au début de 2009 masque d'importantes variations régionales. La région la plus touchée est le Proche-Orient (une quinzaine de pays, dont la Turquie, Israël, l'Iran et l'Arabie saoudite qui accueille près de trois millions de pèlerins par année), avec une chute de 28%. À l'autre bout de l'échelle, l'Afrique du Nord, et notamment les populaires destinations du Maroc et de la Tunisie, a connu une croissance de 5%. Le Proche-Orient et l'Afrique du Nord, ensemble, comptent pour près de 8% du volume du tourisme international.

La région la plus visitée, et de loin, est l'Europe, qui accapare à elle seule 53% de tous les voyages internationaux. En janvier et février, l'Europe a subi une baisse de 8,4%, les pays les plus touchés étant l'Italie et l'Espagne.

Les États-Unis et le Canada, qui comptent ensemble pour 11% des voyages, encaissent un recul de 3,4%, beaucoup moins grave que la moyenne.

Nuages sombres, donc, pour le secteur touristique, mais cela ne nous empêchera pas de terminer sur une note optimiste, pour deux raisons.

D'abord, il est loin d'être certain que 2009 accuse des pertes de 70 milliards, comme nous l'avons vu plus haut. Ce chiffre est le résultat d'une projection basée sur les deux premiers mois. Par définition, ce genre de projection est toujours risqué. L'exercice peut être utile pour fournir un ordre de grandeur, mais ne nous permet pas de conclure que le reste de l'année sera aussi désastreux que les deux premiers mois. Au Canada et aux États-Unis, nous savons même que l'indice de confiance des consommateurs, durement amoché durant la crise, est en train de reprendre du poil de la bête. Cela peut se traduire par une baisse moins marquée que prévue des voyages internationaux. C'est peut-être déjà commencé, mais nous ne le saurons pas avant l'automne. L'OMT, qui doit colliger des milliers de données fournies par les 160 pays membres de l'organisation, publie ses chiffres avec quelques mois de décalage. En revanche, les spécialistes de l'organisation sont formels: les voyages internationaux seront en forte baisse cette année.

D'autre part, l'OMT s'intéresse au tourisme international. Elle établit ses statistiques en compilant les arrivées de touristes dans chacun des pays membres. Ses données excluent donc les voyages intérieurs. Or, en période de crise, les consommateurs sont plus portés à sabrer leur budget de vacances internationales, plus coûteuses que des vacances passées chez eux. Au Québec, par exemple, il est possible qu'il y ait cet été moins de visiteurs européens, japonais ou américains. Mais il est également possible que de nombreux Québécois renoncent à un voyage outre-mer au profit d'une destination locale.