Les titres bancaires américains ont explosé de 150 % depuis quelques mois. Ceux de nos grandes banques canadiennes? Un gros 75 %.

Décidément, les titres bancaires ne cessent d'étonner même les plus optimistes des investisseurs. Qui aurait pu prédire qu'en l'espace de quelques mois, les banques allaient permettre à leurs actionnaires de récupérer une grande portion des très lourdes pertes qu'ils avaient subies à la suite de la magistrale déconfiture de la Bourse? Personne!

Soyons réalistes.

Est-ce que la crise financière qui a détruit des milliers d'entreprises de par le monde est terminée? Non.

Est-ce que la récession mondiale dans laquelle le monde entier est plongé depuis l'éclatement de la crise hypothécaire des «subprimes» américains est terminée? Non.

Est-ce que le monde de la haute finance a retrouvé sa confiance d'avant la plus grave crise depuis celle des années 30? Non.

Est-ce que les investisseurs sont plus clairvoyants? Non.

Est-ce que le crédit est redevenu facile? Non.

Mais diable, comment peut-on expliquer que les institutions bancaires par qui est arrivée la plus gigantesque crise bancaire de l'histoire puissent voir le cours de leurs actions grimper si fortement alors que rien n'est réglé?

Les investisseurs institutionnels sont-ils tombés sur la tête? Pour faire bouger de la sorte le secteur bancaire, on va convenir que ce ne sont pas les petits boursicoteurs. Ça prend des gros joueurs... pour soutenir un tel «momentum» à la hausse. Et ces gros joueurs, ce sont les gestionnaires des portefeuilles institutionnels, c'est-à-dire les gestionnaires des caisses de retraite, des fonds communs d'actions, autres portefeuilles institutionnels.

Sur quoi s'appuient-ils pour demeurer «acheteurs» dans le secteur le plus lourdement happé par la récente crise financière?

La réponse réside, en partie du moins, dans la psychologie boursière.

Rappelez-vous cette pub de la saucisse Hygrade: «Tout le monde en mange parce que c'est bon... et c'est bon parce que tout le monde en mange!»

Eh bien voilà. Tous les gestionnaires de portefeuille achètent des actions bancaires parce que c'est bon... c'est bon parce que tous les gestionnaires en achètent!

Il faut savoir que la majorité des gestionnaires de portefeuilles d'actions se suivent comme des moutons. Pourquoi? Parce qu'ils utilisent des stratégies similaires d'investissement. Parce qu'ils détectent les mêmes signaux d'achat et les mêmes signaux de vente. C'est ce qui explique les grands revirements de tendance boursière.

Les gestionnaires de portefeuille s'auto... alimentent à la baisse comme à la hausse. Comme ils sont en forte compétition, personne ne veut trop se distancer du troupeau. En termes de performance boursière, s'entend.

Est-ce que la forte tendance haussière des titres bancaires va se poursuivre? Si les analystes des services de recherche des maisons de courtage ont été incapables de prédire la spectaculaire débandade qui a récemment massacré les titres bancaires, comment pourrait-on maintenant se fier à leurs optimistes prévisions? Plusieurs ajustent constamment leurs prix cibles... en fonction de la grande tendance des collègues.

À leur décharge, la Bourse est une science inexacte. Pourquoi? Parce que le «mental» des gestionnaires de portefeuille et des investisseurs prend souvent le dessus sur les données financières fondamentales des entreprises. Et parce que ces gros joueurs institutionnels essaient constamment d'anticiper l'avenir de quatre à six mois d'avance.

Voici maintenant quelques données sur l'évolution de la capitalisation boursière (valeur globale des actions en circulation) des grandes institutions bancaires nord-américaines qui ont survécu jusqu'à présent à la crise.

Il y a un peu plus d'un an, soit début mars 2008, la capitalisation boursière des 19 grandes banques américaines survivantes atteignait les 857 milliards de dollars. Lorsque ces mêmes banques ont touché leur creux en mars dernier, leur capitalisation boursière ne valait plus que 216 milliards. Leurs actions s'étaient ainsi dégonflées de 75 %.

Depuis, soit à peine trois mois plus tard, la valeur globale des titres des mêmes 19 banques américaines s'est appréciée de 318 milliards de dollars (+147 %), atteignant maintenant les 534 milliards.

Par rapport à leur sommet de mars 2008, les titres bancaires américains accusent encore 37 % de recul.

Côté canadien, la hausse du cours des actions bancaires pendant les derniers mois a été nettement moins forte à comparer aux banques américaines. La raison? Les banques canadiennes avaient nettement moins chuté.

À son récent creux boursier, la capitalisation des six grandes banques canadiennes a touché le plancher des 119 milliards de dollars, en chute d'environ 50 % par rapport à leur sommet de l'année 2008, soit 240 milliards. Lors des derniers mois, les actions des banques canadiennes se sont appréciées de 89 milliards, atteignant ainsi une capitalisation de 208 milliards. Elles n'accusent donc plus qu'un retard de 14 % sur leur sommet de 2008.

Extraordinaire! Les banques ont créé la fabuleuse crise financière, et ce sont elles qui s'en tirent le mieux en Bourse. À qui appartiennent déjà les grosses maisons de courtage? Aux banques. Cou'donc, mais quelle coïncidence!