Vendredi matin, j'ai déboursé 1,50$ pour acheter le National Post. Pour le même prix, j'aurais pu acheter six actions de Canwest Global Communications, la compagnie mère du prestigieux quotidien.

Oui! Six actions de Canwest (CGS) à 25 cents pièce. Et pour ce «trente sous», je serais devenu également «propriétaire» du réseau de télévision Global, de 12 autres quotidiens nationaux (dont The Gazette), de 11 populaires sites internet, d'une vingtaine de chaînes de télévision spécialisées, de 26 journaux locaux et de plusieurs stations de télé et de radio étrangères.

Il y a 11 ans, la même action de Canwest avait touché la barre des 28$. Et la compagnie était de plus petite envergure.

À 25 cents l'action, la capitalisation boursière de Canwest, c'est-à-dire la valeur totale des actions en circulation, s'élève aujourd'hui à seulement 24 millions de dollars.

Est-on en présence de l'aubaine du siècle? Non.

Si l'action de Canwest se négocie à si bas prix, c'est parce que la compagnie éprouve des difficultés financières. À l'instar de plusieurs secteurs de l'économique, le monde des médias a été durement frappé par la crise financière mondiale, car les revenus publicitaires ont chuté dramatiquement.

Après une perte nette d'un milliard de dollars pour l'année terminée le 31 août 2008, la situation financière de Canwest a continué de se détériorer. Pour les deux premiers trimestres de l'année 2009, Canwest a déclaré une autre gigantesque perte nette, soit 1,4 milliard.

La société Canwest est contrôlée par la famille Asper, de Winnipeg. David, Gail et Leonard Asper détiennent chacun le tiers des actions multivotantes (non inscrites en Bourse), ce qui leur confère 89% des droits de vote.

En novembre dernier, David Asper (vice-président-directeur de Canwest) a acquis sur le marché un bloc de 1,6 million d'actions à droit de vote subalterne, au prix moyen de 70 cents l'action, pour un débours total de 1,1 million de dollars. Pour sa part, Leonard Asper (président et chef de la direction) a investi 1,9 million de dollars dans l'achat d'un bloc de 2,7 millions d'actions subalternes, aussi au prix moyen de 70 cents pièce.

Il faut croire que ces importantes transactions des deux grands patrons de Canwest n'ont pas su rassurer les actionnaires et les investisseurs puisque le titre a continué de chuter par la suite.

Il faut dire que Canwest ne bénéficie d'aucun appui de la part des analystes des maisons de courtage. Des neuf qui suivent le titre, aucun n'est acheteur. Les plus «optimistes», au nombre de deux, recommandent tout simplement de conserver l'action de Canwest. Les sept autres recommandent de vendre le titre, et ce même si le cours s'échange à 25 cents ou moins.

Doit-on faire fi du pessimisme des analystes? Comme ils sont peu enclins à recommander la vente de titres, ils doivent avoir de solides raisons pour se «départir» de Canwest. Cela dit, personne ne détient la vérité en Bourse. C'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi on trouve toujours en Bourse un optimiste acquéreur des actions d'un vendeur pessimiste.

Au prix actuel de 25 cents, l'action de Canwest se négocie comme un titre de pacotille. Au même prix qu'une mine junior.

La question: lourdement endettée, Canwest va-t-elle trouver les capitaux nécessaires pour se sortir du trou? Voilà le défi des spéculateurs... qui misent actuellement dessus.

Pour vous montrer à quel point Canwest se serre la ceinture, le quotidien National Post ne publiera pas son édition du lundi durant neuf semaines à partir de la fin du mois. Il faudra se contenter de le lire sur l'internet.