La Russie a son pétrole. Le Chili, ses mines de cuivre. Les deux pays sont largement dépendants des ressources naturelles. À la différence que le plus petit des deux résiste mieux à la récession. La leçon de la fourmi chilienne.

Son économie se contracte. Ses exportations chutent. Le chômage grimpe.

Pourtant, cela n'a pas empêché la firme Moody's de relever la cote de crédit du Chili l'hiver dernier, au plus fort de la tempête financière.

Au moment où les agences de crédit ont le couteau à la main, le Chili a réussi tout un exploit.

Surtout que ce petit pays d'Amérique latine est le premier au monde, parmi ceux qui bénéficient de la note de crédit supérieure (investment grade), à grimper d'un rang dans le classement Moody's 2009.

Pendant ce temps, à l'autre bout du monde, la Russie risque d'être «décotée «. Son économie s'enfonce dans le rouge à une vitesse alarmante, avec une chute du PIB de 10,5% en avril soit cinq fois le recul du Chili (-2,1%) au premier trimestre.

Ces deux pays, de taille et de culture très différentes, ont pourtant un point en commun: d'abondantes ressources naturelles.

Le Chili contribue au tiers de la production mondiale de cuivre, qui compte pour 45% de ses exportations. Quant à la Russie, le pétrole et le gaz naturel sont

ses principales sources de devises étrangères.

Or, avec la récession mondiale, ces deux pays ont vu leurs ventes à l'étranger chuter de moitié environ. Un choc violent.

Les similitudes s'arrêtent là, cependant. Car Moody's a fait du Chili un modèle, un exemple à suivre pour les pays riches en ressources, comme la Russie, qui gèrent mal leurs précieux avoirs.

Un bas de laine de 20 milliards US

En bonifiant la réputation financière du Chili, en mars, Moody's a souligné un fait encore peu connu dans l'hémisphère Nord: les Chiliens ont accumulé d'importantes réserves monétaires, soit plus de 20 milliards US. Un coussin

exceptionnel, qui représente plus de 15% de l'économie chilienne.

D'où provient cet argent ?

Simple: la «fourmi» chilienne personnifiée par le ministre des Finances Andres Velasco a su économiser en période de beau temps. Durant la montée en flèche des prix du cuivre, le Chili en a profité pour remplir ses coffres. Le Wall Street Journal a d'ailleurs salué cette sagesse la semaine dernière. Dans un long article, le quotidien financier souligne surtout le travail de M. Velasco, qui a su résister l'an passé à d'énormes pressions venant de groupes qui réclamaient que l'État brise son petit cochon et dépense ses milliards.

En septembre, des protestataires ont même interrompu un discours de M. Velasco en scandant : «L'argent du cuivre est pour les pauvres!» Mais ce diplômé de la Columbia University, aux États-Unis, n'a pas bronché. Et aujourd'hui, il passe pour un visionnaire.

Car le Chili peut puiser dans ses réserves pour financer divers programmes économiques et sociaux au moment où le pays en a le plus besoin.

Par exemple, la présidente socialiste Michelle Bachelet vient d'annoncer que l'État versera à 4 millions de pauvres une deuxième prime équivalant à 80$ pour les aider face à la crise. C'est sans compter les milliards que le gouvernement va injecter dans les infrastructures du pays.

La Russie s'enfonce

Pendant ce temps, la Russie doit pomper des milliards pour sauver son système financier, qui est menacé d'implosion. Tout un contraste avec le Chili, qui n'a

pas versé un peso pour soutenir ses banques.

Et les Russes ont d'autres problèmes.

Heurté de plein fouet par la chute des cours pétroliers, Moscou vient de hausser sa prévision de déficit budgétaire pour cette année, à 9% du PIB. Et ce, même si l'État va réduire ses dépenses.

L e gouvernement devra emprunter 20 milliards US à l'étranger, d'ici deux ans, pour régler ses comptes. Le Chili, par comparaison, a remboursé toutes ses dettes étrangères.

Et, comble de malheur, les réserves monétaires de la Russie (125 milliards de dollars en 2008) fondent comme neige au soleil. D'ici à la fin de 2009, ces fonds auront peutêtre disparu, en bonne partie parce que Moscou s'est entêté à défendre à coups de milliards sa devise, qui chutait sur le marché des changes cet hiver. De l'argent «gaspillé», selon des économistes, avec très peu de

résultats...

Bref, deux cas aux antipodes. S'il était vivant, Jean de La Fontaine aurait un malin plaisir à raconter les tribulations économiques de la Russie et du Chili. La cigale et la fourmi, version 2009. Et cette fable des temps modernes trouverait une oreille attentive à Wall Street.

«Le Chili est dans une classe à part, affirme Luis Arcentales, économiste à Morgan Stanley, dans une note financière. À mesure que la récession progresse,

on verra que le Chili se porte relativement mieux que les autres.»