AbitibiBowater, GM, Chrysler, l'Alberta en déprime à cause du pétrole, la Colombie-Britannique sur le cul à cause du bois d'oeuvre, que voilà de mauvaises nouvelles qui attirent l'attention par les temps qui courent.

Tous ces dossiers sont importants, certes, mais ne représentent au bout du compte qu'une petite partie de l'économie. Au Québec, comme dans l'ensemble du Canada et des autres pays riches, l'économie repose d'abord sur le secteur des services.

 

Pourtant, on en parle peu et, quand on en parle, c'est souvent avec mépris. Ainsi, toutes les pertes d'emplois survenues depuis deux ans dans le manufacturier ont été amplement compensées par les emplois créés dans les services. Or, une opinion largement véhiculée veut que les emplois créés dans les services, comme l'hôtellerie, la restauration, les dépanneurs et le commerce de détail en général, soient des petits emplois mal payés. À quoi cela sert-il de perdre de bons emplois chez GM si c'est pour les remplacer par des emplois bas de gamme?

La réalité est radicalement différente, comme le montre une nouvelle série de chiffres que vient de publier l'Institut de la statistique du Québec, et qui tiennent compte des données les plus récentes, celles de 2008.

D'abord, un rappel: le secteur des services représente, à lui seul, 70% du produit intérieur brut québécois. Sur les 3,9 millions de travailleurs québécois, salariés et autonomes, à temps plein ou partiel, trois millions oeuvrent dans le secteur des services.

C'est en ce sens qu'on peut dire qu'il s'agit du véritable pilier de l'économie.

Et maintenant, le mythe des McJobs. La rémunération hebdomadaire moyenne, au Québec, toutes catégories de travailleurs confondues, est de 751$. Dans les services, le montant correspondant est de 710$. C'est donc vrai que les salaires, dans les services, sont inférieurs à la moyenne, mais la différence dépasse à peine 5%. C'est largement insuffisant pour conclure qu'on échange des bons emplois contre des emplois bas de gamme.

De plus, le chiffre de 710$ est une moyenne, et il faut parfois se méfier des moyennes. On peut dire d'une personne qui a un pied pris dans un bloc de glace, et l'autre pied posé sur des charbons ardents, qu'en moyenne, sa position est confortable!

L'image s'applique bien au secteur des services. Au bas de l'échelle, c'est-à-dire dans l'hôtellerie et la restauration, le salaire hebdomadaire moyen est de 329$. Et tout en haut de l'échelle, dans les services professionnels, scientifiques et techniques, il grimpe a 1036$. Cela va du simple au triple. Dans le commerce de détail, le salaire se situe à 455$, un peu mieux que dans la restauration, mais encore très loin derrière la moyenne.

Le problème, c'est qu'on a souvent tendance à assimiler le secteur des services au commerce de détail et à la restauration. Rien n'est plus faux.

Le commerce de détail emploie 475 000 personnes au Québec; cela représente à peine 16% de tous les emplois dans le secteur des services. De leur côté, l'hôtellerie et la restauration fournissent ensemble 245 000 emplois, à peine 8% du total.

Ces deux secteurs sont ceux où on retrouve une majorité de petits salaires. Ils contribuent évidemment à faire baisser la moyenne. Mais ils n'en comptent pas moins pour seulement 24% des emplois.

Où sont les 76% qui restent? On l'a vu, dans les services professionnels, scientifiques et techniques, qui fournissent 266 000 emplois, un peu plus que l'hôtellerie et la restauration. Mais les services, ce sont aussi des centaines de milliers d'emplois dans l'enseignement, l'administration publique, les services financiers et les assurances, le transport et l'entreposage, les soins de santé, le commerce de gros, l'information et la culture, les services aux entreprises, les services informatiques, les services de gestion.

Voilà tous des secteurs où la rémunération rejoint ou dépasse souvent largement la moyenne générale.

Le seul domaine où la contribution du secteur des services ne correspond pas à son poids économique est celui des immobilisations, c'est-à-dire les investissements en construction, agrandissement ou rénovation de bâtiments, ou encore acquisition, modernisation ou réparation de machinerie et d'équipement. C'est normal: par définition, le secteur des services ne produit pas de biens, et n'a donc pas besoin de réaliser des immobilisations aussi importantes que le secteur manufacturier ou celui des ressources.

Malgré cela, ses immobilisations (surtout des édifices commerciaux) atteignent 28 milliards de dollars en 2008, soit 46% du total québécois.

Au total, les services fournissent des emplois à trois travailleurs québécois sur quatre, et quoi qu'on puisse en penser, ce sont surtout de bons emplois bien rémunérés.