La plupart des spécialistes du secteur touristique s'attendent à une saison catastrophique cette année.

Certes, le pessimisme n'a pas encore gagné la ville de Québec, animée par le maire Labeaume et qui compte sur le Moulin à images et le Cirque du Soleil pour attirer les visiteurs. On leur souhaite bonne chance. Mais le fait est que, partout ailleurs au Canada, on voit les gros nuages noirs s'accumuler. C'est normal: en période de crise, les loisirs, et particulièrement le budget de vacances, sont le premier poste de dépenses que les ménages pensent à comprimer.

Hier, Statistique Canada a publié ses perspectives trimestrielles sur l'hébergement des voyageurs. Il s'agit en fait des résultats d'un sondage auprès de ceux qui, sur le terrain, sont probablement les mieux placés pour se prononcer: les hôteliers. Tous les trois mois, quelque 1400 entreprises au Canada, essentiellement des hôtels, participent à l'enquête sur une base volontaire. Un échantillonnage de cette taille donne des résultats d'autant plus précis que tous les participants sont tous des professionnels dans leur secteur. On leur demande, entre autres, de fournir leurs prévisions quant au nombre de chambres réservées, aux taux d'occupation, aux tarifs quotidiens moyens des chambres et au nombre d'heures travaillées par les employés.

Les résultats publiés hier concernent le deuxième trimestre (avril, mai, juin), mais peuvent aussi servir d'indicateur avancé pour la saison de pointe.

Normalement, cette enquête trimestrielle attire peu l'attention des médias. De façon classique, quand on leur demande s'ils prévoient que les nuitées réservées augmenteront, diminueront, ou resteront stables, une majorité d'hôteliers répondent qu'ils entrevoient peu de changements. Il n'y a pas là de quoi faire les manchettes.

Cette fois-ci, c'est différent. Le pessimisme chez les répondants atteint des niveaux jamais atteints auparavant.

Voyons plutôt.

Presque quatre hôteliers sur cinq (78%) pensent que les réservations de chambres diminueront; nous venons de le voir, c'est du jamais vu. À l'inverse, ceux qui s'attendent à une augmentation ne forment qu'une rachitique part de 3%. L'enquête ne fournit pas de ventilation régionale parce que l'échantillonnage n'est pas assez important. Peut-on penser que ces 3% d'optimistes sont des hôteliers de Québec?

L'an dernier à pareille date, 44% des répondants pensaient que la situation demeurerait à peu près inchangée, et le reste se divisaient à peu près également entre optimistes et pessimistes. Apprécions l'ampleur du revirement.

Cette situation fera des heureux et des malheureux.

Les gagnants seront évidemment les voyageurs. Lorsque 78% des hôteliers s'attendent à une baisse du taux d'occupation, cela aura inévitablement un impact sur le prix des chambres. En fait, une majorité assez nette (57%) anticipe déjà des baisses de tarifs, comparativement à seulement 10% qui entrevoient une hausse.

Les perdants, comme on s'en doute, seront les employés de l'hôtellerie. Selon 72% des répondants, la baisse de la clientèle entraînera une baisse des heures travaillées; seulement 2% des participants croient le contraire.

Sans surprise, les répondants montrent du doigt la conjoncture économique comme la première cause, loin devant toutes les autres, du climat général de morosité. Par contre, les hôteliers canadiens semblent bien moins obsédés que les Américains par les questions de sécurité. Seulement 3% d'entre eux pensent que l'inquiétude liée à la sécurité constitue une entrave pour le secteur touristique.

Voyagez au Québec!

Puisqu'il est question de tourisme, jetons un coup d'oeil sur une intéressante petite étude publiée récemment par le service de recherche économique du Mouvement Desjardins.

Le dollar canadien oscille aujourd'hui aux alentours de 85 cents américains. L'été dernier, les deux monnaies étaient à parité. Cela veut dire qu'un voyage aux États-Unis vous coûtera plus cher cette année. En revanche, les prix de l'essence (une composante importante du budget-vacances pour les nombreux ménages qui voyagent en auto) ont baissé de façon appréciable. L'été dernier, le prix de l'essence à la pompe atteignait 1,38$ le litre. Il se tient aujourd'hui aux alentours de 90 cents. Les prix ont suivi la même trajectoire au sud de la frontière.

D'où cette question, fort pertinente en cette période de l'année où les familles planifient leurs vacances d'été: pour ceux qui prévoient aller aux États-Unis, la baisse des prix de l'essence est-elle suffisante pour compenser la baisse du dollar canadien?

Pour l'immense majorité des ménages, il sera plus avantageux financièrement de rester au Québec (ou encore de visiter l'Ontario, où les taxes sur l'essence sont plus basses).

Supposons un voyage de 2500 kilomètres. Votre voiture a un réservoir de 60 litres et consomme 9,6 litres aux 100 kilomètres. L'an dernier, votre essence vous a coûté 361$. Cette année, à 90 cents le litre, vous économiserez 127$.

Si votre budget de vacances est de 1500$ et que vous décidez d'aller aux États-Unis, vous paierez, avec un dollar à 85 cents, 264$ de plus que l'an dernier. La baisse du prix du litre est donc largement insuffisante pour compenser la chute du huard. Au total, sur un budget de 1500$, cela fait une différence qui frise les 10%.

En fait, seuls les propriétaires de grosses cylindrées, et dont le budget de vacances est inférieur à 1000$, pourraient éventuellement sortir gagnants d'un voyage aux États-Unis, et encore à condition que le prix à la pompe continue de descendre jusqu'à 80 cents.