L'affaire Norbourg coûte extrêmement cher à l'Autorité des marchés financiers (AMF). Au seul chapitre des services juridiques externes, l'AMF a dépensé jusqu'à présent quelque 8,6 millions de dollars.

À la suite d'une demande d'accès à l'information, l'AMF a remis à La Presse Affaires un bilan détaillé de toutes les sommes qu'elle a payées entre juin 2005 et mars 2009 à des «fournisseurs de services professionnels juridiques» embauchés dans le dossier Norbourg et de son grand manitou, Vincent Lacroix.

 

C'est la firme d'avocats Heenan Blaikie qui a encaissé jusqu'à présent la plus importante somme, soit 3,9 millions de dollars. L'AMF a confié à ce cabinet d'avocats le mandat de la défendre dans le cadre du recours collectif des 9200 victimes de Norbourg. L'AMF fait partie des 15 défendeurs (incluant notamment la firme comptable KPMG, The Northern Trust Company, la Société de fiducie Concentra, Vincent Lacroix, etc.) à qui les victimes de Norbourg réclament un dédommagement global de 130 millions de dollars.

Dans ce dossier de recours collectif, l'AMF tente de protéger notamment son image institutionnelle de chien de garde des institutions financières, laquelle image a été mise à rude épreuve à plusieurs reprises depuis le début de l'affaire Norbourg.

On s'attend à ce que le procès du recours collectif commence au printemps 2010.

En raison de sa complexité et du nombre de défendeurs, le procès risque de coûter très cher à l'AMF. Les procureurs des défendeurs parlent d'un minimum de 60 jours d'audience!

Pour sa part, la firme Leclerc Juricomptables (Navigant Consulting) a reçu de l'AMF un peu plus de 2,2 millions de dollars pour lui avoir fourni les «services professionnels de juricomptabilité» liés à l'enquête menée par l'AMF dans l'affaire Norbourg.

La troisième facture juridique en importance a été payée à Hébert Downs et associés: 830 135$. Le mandat? Fournir les services de représentation juridique de l'AMF devant les tribunaux pour les plaintes pénales.

Le bureau d'avocats Langlois Kronström Desjardins a facturé des dépenses de 802 481$ pour ses services portant sur le recours que l'AMF avait déposé au nom des 9200 victimes, en vertu de l'article 269.2 de la Loi sur les valeurs mobilières.

C'est la firme d'avocats Pouliot L'Écuyer qui avait fourni à l'AMF les services juridiques liés aux perquisitions et plaintes pénales contre Vincent Lacroix, le groupe Norbourg et ses filiales. Montant des factures: 307 204$.

Trois autres firmes d'avocats ont également été embauchées par l'AMF dans le dossier Norbourg: Fraser Milner Casgrain (95 040$ pour divers avis juridiques); Irving Mitchell Kalichman (168 164$ pour donner suite aux requêtes en autorisation de recours collectif); et Desjardins Ducharme (245 747$ pour les services juridiques reliés à l'indemnisation des victimes de Norbourg).

Le dossier de Norbourg étant loin d'être terminé, il faut s'attendre à ce que l'AMF dépense encore quelques millions de dollars additionnels en frais juridiques externes.

Sur les 130 millions soutirés aux 9200 victimes de Norbourg, à peine 900 investisseurs ont pu récupérer une partie de leur argent, voire 31 millions, par l'entremise du Fonds d'indemnisation de l'AMF. Une autre somme globale de 24 millions aurait été récupérée et devrait être retournée aux victimes. Les 8000 autres victimes comptent sur le recours collectif pour se faire dédommager des lourdes pertes subies.

Au nombre des victimes de Vincent Lacroix, on retrouve des orphelins qui se sont fait voler l'héritage de leur survie et de leur avenir, des retraités qui se sont fait piquer les épargnes d'une vie, des épargnants qui se sont fait vider le portefeuille...

Dans ce scandale financier, l'AMF se fait reprocher d'avoir fait preuve de laxisme dans la surveillance du groupe Norbourg et de ses multiples tentacules financiers.

En rappel, certaines phrases-chocs du communiqué que l'AMF a diffusé le 22 mars 2006 et dans lequel l'institution faisait le point sur une enquête interne concernant la tentative de Vincent Lacroix de soudoyer un des employés de l'Autorité.

Après avoir laissé entendre «qu'en aucun temps l'intégrité de l'Autorité, ni sa capacité à mener son enquête de façon complète et indépendante, n'ont été mises en péril», l'AMF avait quand même donné quelques précisions juteuses:

«Toutefois l'Autorité en est venue à la conclusion que certains employés ont fait preuve d'imprudence et d'un manque de jugement. L'Autorité estime que ses employés doivent avoir une conduite irréprochable, compte tenu du rôle qu'elle joue dans la surveillance des marchés financiers. L'Autorité prend donc des mesures afin de s'assurer que de telles situations ne se reproduisent plus. Des activités de sensibilisation sont prévues à cet effet. Par ailleurs, des sanctions disciplinaires ont été prises et huit employés ont été suspendus pour des périodes variant entre cinq jours et trois mois. Ces sanctions rappellent l'importance de maintenir une indépendance envers les sociétés et leurs représentants assujettis à la surveillance de l'organisme.»

À la lumière de ces révélations, on comprend pourquoi l'AMF a son petit côté fragile et qu'elle sent le besoin de recourir à des grands bureaux d'avocats pour défendre sa réputation.

Chose certaine, pendant que les victimes peinent depuis quatre ans déjà, les avocats, eux, font la grosse piastre avec le scandale Norbourg!