Comme bien des petits investisseurs, Michel Gr. fait affaire avec une firme de courtage à escompte. Il croit avoir les connaissances requises pour prendre ses propres décisions boursières et gérer adéquatement son portefeuille. Cela lui permet d'effectuer des transactions à prix d'aubaine à comparer aux commissions généralement chargées par les courtiers des maisons de courtage de plein exercice.

Le 17 octobre 2006, il achète 500 parts de la fiducie Fording Canadian Coal Trust, au prix de 30,50$ l'unité, pour un débours de 15 250$. Coup de génie ou tout simplement coup de chance, toujours est-il que l'action (la part) de Fording se met à grimper en folie au fil des mois. Et rendu à l'été 2008, Teck Cominco décide de déposer une offre d'achat de 14 milliards US en vue de privatiser Fording. L'action de Fording s'échange dans les 90,00$.

 

Valeur triplée

Arrive la fabuleuse déconfiture qui saccage les marchés boursiers en septembre et octobre. Mais, ô miracle, Fording continue de se négocier à son sommet. Et le 31 octobre suivant, tout était finalisé, Teck Cominco mettant le grappin sur la totalité des parts en circulation de Fording. En échange de ses 500 parts, Michel Gr. recevait dans son compte une somme de quelque 50 250$, soit 100,50$ la part. Et en prime, 122 actions de Teck Cominco.

En l'espace de deux ans, Michel Gr. se trouve ainsi à avoir plus que triplé la valeur de son placement dans Fording, celui-ci passant d'un coût d'investissement de 15 250$ à une valeur globale dépassant les 50 000$.

En cette période boursière extrêmement douloureuse pour les portefeuilles, Michel Gr., lui, attend avec impatience la fin de l'année 2008 pour pouvoir déclarer son plantureux gain en capital, dont seulement la moitié, se dit-il, sera imposable.

Il s'attend donc à devoir déclarer un gain en capital de 35 000$ sur la cession de 500 parts de Fording, soit le prix de rachat de 50 250$ (500 parts X 100,50$) moins le prix d'acquisition de 15 250$ (500 parts X 30,50$).

Comme il est imposé au taux marginal de 40%, il anticipe devoir verser environ 7000$ d'impôts sur ce gain en capital de 35 000$.

Erreur. Michel Gr. devra plutôt débourser quelque 20 100$ d'impôts sur la revente de ses 500 parts de Fording, soit presque trois fois le montant qu'il avait anticipé.

Le problème

Quel est son problème?

«Par un beau vendredi, plus précisément le 3 avril dernier, je reçois par la poste un T3 et son homologue R16, de Fording Coal.» Et que voit-il à la case 26 du fameux T3 et à la case G du relevé 16? Il y voit la somme totale des gains bruts réalisés avec le rachat de ses parts de Fording, laquelle somme devra être déclarée comme un simple revenu totalement imposable et non un gain en capital, à moitié imposable.

«À mon avis, ce montant devrait être considéré comme un gain de capital et non comme un revenu d'intérêt. Par conséquent, je téléphone à Revenu Canada et je parle à trois préposés qui me disent tous la même chose à savoir: à moins que Teck Cominco ne modifie son T3, cette somme sera considérée comme un revenu supplémentaire. Ils me suggèrent de contacter mon courtier... J'appelle le courtier à escompte qui, après m'avoir fait remarquer que je suis supposé être autonome, accepte de faire quelques vérifications. Il m'informe que l'entente résulte bel et bien en revenus.»

«Il précise que cette information particulière était inscrite dans le prospectus. Ce qui signifie, en clair, que j'aurais dû le savoir! Mais je n'ai pas lu le fameux prospectus et ses 305 pages en anglais.»

«Mais ces actions, ajoute-t-il, je ne les ai pas eues gratuitement. Donc, il me semble que le coût d'achat devrait au moins être déduit du coût de vente (case 26).»

Rien à faire

Désolé. Il n'y a rien à faire. Selon le plan d'arrangement convenu entre les dirigeants de Teck Cominco, ceux de Fording Canadian Coal Trust et Revenu Canada, la totalité de la somme versée pour le rachat des parts de Fording sera considérée comme étant du simple revenu (comme un revenu d'intérêt) et non du gain en capital à moitié imposable.

Michel Gr. doit donc payer de l'impôt sur la somme de 50 250$ qu'il a reçue à la fin d'octobre en échange de ses 500 parts (500 parts X 100,50$) et non, comme il le croyait, sur son «gain en capital» de 35 000$ (prix de revente de 50 250$ - prix d'acquisition de 15 250$).

Notre petit investisseur se dit victime d'une entourloupette fiscale. Pour l'éviter, il aurait fallu qu'il revende ses parts sur le marché boursier, juste avant le retrait de Fording de la cote de la Bourse, le 30 octobre dernier.

Et là, son gain aurait été traité comme un gain en capital (dont la moitié seulement est assujettie à l'impôt fédéral et provincial).

Prix de consolation: selon le fiscaliste Daniel Lachapelle, de la firme Raymond Chabot Grant Thorton, Michel Gr. pourra déclarer une perte en capital de l'ordre de 15 000$, laquelle somme représente son coût de base rajusté d'acquisition.

Conseil du courtier

Le hic? Les pertes en capital ne sont déductibles (à moitié) qu'à l'encontre de gains en capital réalisés au cours des trois années précédentes ou à l'encontre des futurs gains...

Si Michel Gr. avait fait affaire avec un courtier de plein exercice, celui-ci l'aurait sans doute prévenu des fameuses conséquences fiscales prévues dans le plan d'arrangement et il l'aurait incité à liquider ses parts de Fording sur le marché.

Ce simple conseil boursier valait à lui seul 13 000$, soit la différence entre la note des impôts à payer sur un montant qualifié de «revenu» par rapport à un «gain en capital».