Avez-vous les moyens de spéculer avec les épargnes qu'il vous reste dans le portefeuille?

Chose certaine, le nouveau budget de la ministre Monique Jérôme-Forget vous en offre la possibilité avec une nouvelle tentative de réanimation du Régime d'épargne-actions (REA). De 1979 à 2003, le REA avait permis aux entreprises québécoises d'émettre des nouvelles actions pour une valeur globale de 9,3 milliards de dollars.

Le REA II vise plus particulièrement quelque 225 PME québécoises déjà inscrites à la cote de la Bourse de Toronto ou de sa filiale Bourse de croissance. Des exemples d'entreprises admissibles au REA II: Logistec Corp., Goodfellow, Groupe Logibec, Adaltis, Hart Stores, Miranda Technologies etc...

 

Quelle est la mesure d'incitation fiscale du REA II? Si vous achetez des actions d'une nouvelle émission du REA II, le gouvernement Charest vous accordera une déduction de 150% de la somme investie. En contrepartie, vous devrez conserver lesdites actions REA (ou des actions REA de remplacement) durant un minimum de deux ans.

Plus concrètement, par tranche de 1000$ d'investissement dans l'achat d'actions du REA II, cela vous procurera une économie d'impôt provincial de 360$, si vous êtes imposé au taux marginal (24%) le plus élevé.

Les investisseurs à revenus inférieurs bénéficieront d'économies d'impôt moins alléchantes. Par tranche d'investissement de 1000$, l'économie d'impôt s'élèvera à 300$ dans le cas des contribuables gagnant un revenu imposable de 38 000$ à 74 000$ (taux marginal de 20%). L'économie descendra à 240$ pour les contribuables dont le revenu imposable varie de 13 000$ à 37 000$ (taux marginal de 16%).

Le REA II entre immédiatement en vigueur. Au cours des prochaines semaines, il faut donc s'attendre à voir les firmes de courtage lancer plusieurs nouvelles émissions d'actions du REA II.

La déduction de 150% est en vigueur pour les deux prochaines années. D'ici la fin de décembre 2010, le gouvernement Charest évalue à 165 millions de dollars la valeur totale des nouvelles émissions d'actions qui sera effectuée dans le cadre du REA II.

Est-ce beaucoup ou pas? Si on compare l'objectif du REA II au bilan Programme Actions-croissance PME, le gouvernement Charest est conservateur dans ses prévisions. De 2005 à 2008, «Actions-croissance PME» a permis à 25 entreprises de réaliser des émissions publiques d'actions pour une valeur globale de 192 millions.

Maintenant, le modeste objectif du REA II (165 millions de dollars d'émission de nouvelles actions) n'a aucune commune mesure avec les belles années de l'ancien REA, soit de 1983 à 1987. Au cours de cette faste période de cinq années, les Québécois avaient investi rien de moins que 5,1 milliards de dollars dans l'achat d'actions REA, soit 55% des 9,3 milliards investis durant les 25 années d'existence du populaire régime. Lors de cette frénétique époque de 1983 à 1987, les firmes de courtage couraient après n'importe quelle petite entreprise québécoise pour en convaincre les propriétaires de se lancer dans un premier appel public à l'épargne.

C'était une période extrêmement lucrative... pour les courtiers et leurs firmes de courtage.

Était-ce le cas pour les investisseurs? Oui! pour les plus aguerris. Malheureusement, la majorité des détenteurs de titres REA se sont carrément brûler le portefeuille à partir du krach du 19 octobre 1987. Par la suite, les titres REA ont fait l'objet d'une vente de feu massive qui s'est poursuivie sur une longue période. De 1988 à 1992, ce fut carrément la déconfiture du Régime d'épargne-actions. Le REA a pris fin en 2003.

Question: est-ce que la nouvelle génération du REA II représente un beau risque pour les investisseurs québécois? Tout va dépendre à quel prix les actions des nouvelles émissions REA II seront vendues. Si les émissions d'actions sont effectuées aux cours actuels, il est évident que plusieurs entreprises se transigent présentement à prix d'aubaine.

Si le REA II vous intéresse, je vous conseille d'ailleurs de retenir les cours de clôture de la séance du 19 mars 2009 (d'hier) comme prix de référence pour les nouvelles émissions d'actions. Toute somme additionnelle que l'on vous demandera à partir d'aujourd'hui risque d'être attribuable à l'effet REA II. C'est comme si l'entreprise (de concert avec la firme de courtage) venait gruger dans la déduction de 150% qui vous sera accordée!

Fondaction: attendez!

À partir du 1er juin prochain, le gouvernement Charest bonifiera le crédit d'impôt qu'il accorde aux épargnants qui achèteront des actions du fonds des travailleurs de la CSN, soit Fondaction.

Le crédit d'impôt provincial passe de 15 à 25%. C'est donc dire que l'achat d'actions de Fondaction «rapportera» un crédit d'impôt provincial de 250$ par tranche de 1000$ d'investissement. C'est 100$ de plus que le crédit provincial (15%) accordé aux actionnaires qui investiront 1000$ dans le Fonds de solidarité de la FTQ. L'investissement cumulatif dans les fonds de travailleurs est limité à 5000$ par année. Et le fédéral octroie un crédit d'impôt de 15%.

Un conseil: comme la hausse du crédit d'impôt provincial de Fondaction entre en vigueur seulement à compter du 1er juin, il serait mal avisé d'y investir d'ici le 31 mai prochain, fin du présent exercice financier.

Le Fonds de solidarité n'a pas eu droit à cette bonification de crédit d'impôt, étant 10 fois plus gros que Fondaction.